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Les 12 travaux des cyclistes, édition 2017

Il y a maintenant près de deux ans, j'ai publié un billet intitulé "Cyclistes et zones de travaux", dans lequel je démontrais à quel point les cyclistes sont laissés pour compte lors de la planification et de l'exécution des travaux publics. Je concluais en soulignant mon agacement quant à l'inaptitude manifeste de la ville et de ses exécutants à tenir compte de la simple présence d'un itinéraire cyclable. Depuis lors, les choses se sont-elles améliorées? Au risque de gâcher la surprise, non. Petit florilège des saisons 2016-2017.

Préambule

Je ne suis pas de ceux qui croient que le vélo devrait "naturellement" avoir préséance sur tous les autres modes de transport. Promouvoir le cyclisme (en particulier utilitaire) est une décision d'urbanisme qui peut être prise ou non. Je pense personnellement que les villes gagneraient à encourager la pratique de ce mode de transport, mais je reconnais qu'il s'agit là d'un choix.

Ce que je ne tolère pas, c'est l'incohérence une fois cette politique décidée. Lorsqu'une ville publie sa Vision des déplacements à vélo et y écrit très officiellement ceci :

En 2021, la Ville sera reconnue pour son réseau cyclable sécuritaire et continu. Un nombre grandissant de citoyens accéderont à leurs activités journalières (travail, étude, loisir, etc.) à vélo grâce à un réseau utilitaire accessible et bien connecté. Le vélo sera alors un mode de transport complémentaire aux autres en plus de cohabiter de façon respectueuse avec ceux-ci.

je m'attends forcément à ce que cette prise de position soit appliquée à toute l'administration de la ville. Québec a fait le choix de développer son réseau cyclable utilitaire et de le rendre sécuritaire et continu et de permettre à ses citoyens de l'emprunter pour leurs activités quotidiennes. Ce choix doit se répercuter dans toutes les décisions prises par l'administration municipale.

Pourquoi est-ce que je parle de ça? Tout simplement parce que certains pourraient, à la lecture de ce billet, me rétorquer que les infrastructures cyclables ne sont que des loisirs offerts par la ville, au même titre qu'une piscine publique par exemple, et qu'il est donc légitime de les administrer comme tels. Par conséquent, fermer une piste cyclable pour réaliser divers travaux ne poserait donc pas plus de problème que de fermer un aréna durant sa rénovation.

Cette position est tout à fait raisonnable, mais voilà, ce n'est pas comme ça que la ville de Québec présente sa vision du cyclisme. Il y a donc deux manières de rectifier le genre de situations que je présente dans ce billet (ainsi que le précédent) :

  1. Reconnaître que ces déficiences organisationnelles posent des problèmes de sécurité et d'efficacité aux cyclistes et que, considérant les orientations que la ville s'est données, elles doivent donc être corrigées.
  2. Revoir la politique de la ville quant aux transports actifs et affirmer haut et fort que ce n'est pas la priorité et qu'au final, on s'en fiche un peu des cyclistes -- ou, à tout le moins, qu'on les considère comme une activité sportive comme une autre, sans but utilitaire.

Je ne serais clairement pas heureux de voir la ville adopter la seconde piste de résolution, mais j'admettrais au moins qu'il n'y a plus d'incohérence entre ses déclarations et ses actes.

Cependant, si la ville tient à sa vision des déplacements à vélo (plan que j'approuve, dans l'esprit du moins), alors voilà pourquoi les planifications des travaux doit être revue. De manière générale, les travaux routiers sont des maux nécessaires qui devraient cependant toujours remplir les deux conditions suivantes :

  1. En aucun cas la sécurité des usagers ne devrait être mise en cause.
  2. Des mesures d'atténuation raisonnables doivent être mises en place de manière à minimiser la perte de temps des usagers.

On remarquera que je parle pas ici "d'automobilistes" ou de "cyclistes", parce que ces deux conditions devraient justement s'appliquer dans tous les cas. Ce qui est valable pour le trafic automobile devrait aussi l'être pour le trafic cycliste, tout simplement.

Gardons ces deux points en tête, et passons sur un petit florilège des travaux routiers des saisons 2016 et 2017. Notons que comme je l'ai mentionné dans un précédent billet, j'ai été absent de la région une bonne partie des étés 2016 et 2017. Cela n'en rend que ce billet plus désespérant, puisqu'il ne reflète donc vraisemblablement qu'une fraction des problèmes avec lesquels les cyclistes ont dû composer durant ces étés...

Vélo-Boulevard ou Travaux-Boulevard?

L'axe Père-Marquette a connu son lot de décisions plus ou moins réfléchies. En fait, je peux compter quatre évènements distincts qui ont perturbé la circulation cyclable sur cet axe en l'espace d'à peine plus d'un mois. Voyons cela chronologiquement.

1) Quand c'est trop évident...

Vers la mi-août 2016, il semble y avoir eu un problème d'aqueduc qui a nécessité des travaux sur la Rue de Callières. Évidemment, dans le cadre de travaux urgents, on ne peut raisonnablement espérer une planification détaillée des impacts sur la circulation et c'est tout à fait normal. Par contre, cela n'empêche nullement la mise en place d'un détour, a fortiori lorsque les travaux concernent l'axe cyclable principal de la Haute Ville. Or, voici plutôt ce à quoi les cyclistes ont eu droit pendant plusieurs jours :

IMG_20160810_172149.jpgRue barrée. Certes. Où doit-on aller, alors? Vous verriez, vous, un affichage de ce genre sur le boulevard Laurier par exemple? Boulevard barré. Ce serait amusant tiens... C'est d'autant plus ironique que le panneau est situé en plein sur un marquage indiquant spécifiquement aux cyclistes d'aller par là. En fait, ils auraient aussi bien pu mettre un panneau Rue barrée, mais on ne vous dit pas si ça s'applique à vous ni ce que vous devriez faire, bonne chance! C'est d'autant plus inadmissible ici que la mise en place du détour était triviale :

carte_travauxcallieres1.pngSur la carte ci-dessus, le tracé vert représente le trajet "normal" des cyclistes, celui prévu dans les cartes de la ville de Québec. En rouge, la zone de travaux. En bleu, une rue déjà construite, dotée d'un maximum de 30 km/h et sur laquelle le stationnement est interdit d'un côté. Ce détour est quasi instantané à mettre en place, n'allonge pas le parcours des cyclistes et ne nécessite aucun aménagement particulier. Pourquoi diable s'en être privé? Parce que les cyclistes ne sont jamais pris en compte dans ces situations.

2) Ils trouveront bien un endroit où passer...

On se déplace vers le centre ville, sur la rue de Bourlamaque, toujours sur le trajet de l'axe Père-Marquette. Voici ce qui accueille les cyclistes à l'intersection Bourlamaque/Crémazie :

IMG_20160817_111844.jpgVraiment? Encore une fois, le panneau Rue barrée est ironiquement posé en plein sur un marquage de vélo et juste à gauche d'un panneau vélo/auto... Personne n'a bien sûr considéré le fait que Crémazie étant un sens unique vers l'est, le seul détour accessible aux cyclistes allant vers l'ouest et qui ne veulent pas passer outre le panneau Rue barrée est le boulevard René-Lévesque, rien de moins. Désespérant, d'autant plus que ces travaux ont perduré plusieurs semaines... Et tout cela pourquoi? Parce que les cyclistes ne sont jamais pris en compte dans ces situations.

3) Signaler... pourquoi faire?

En 2016, la ville de Québec a donné un grand coup en ce qui concerne le réasphaltage des rues. Je n'ai rien à redire à ce sujet, en autant que cela est fait dans les règles et que les travaux affectant les itinéraires cyclables sont clairement signalés. Prenons un exemple simple, la réfection de l'Avenue Holland, entre le Chemin Ste-Foy et le Boulevard René-Lévesque :

carte_travaux_holland.pngL'axe Père-Marquette, cet axe cyclable crucial pour la Haute-Ville, que la ville de Québec elle-même qualifie de "utilitaire et sécuritaire", passe par la Rue de Callières. . Nous sommes à la fin du mois d'août et les travaux ont lieu en pleine semaine.

Avec tout ça, il est absolument évident que des mesures seront prises pour permettre aux cyclistes de franchir cette zone de travaux sans encombres, n'est-ce pas? Mais non : ça c'est ce qui se passerait dans un monde où les actes correspondent aux paroles. Dans ce cas-ci, les mesures d'atténuation peuvent être caractérisées par un seul mot : inexistantes. Le croisement de l'axe cyclable et Holland ressemble à ceci :

IMG_20160818_114830.jpgIMG_20160818_180029.jpgFaisons une petite comparaison ici. Le Boulevard René-Lévesque n'a pas été bloqué, pas plus que le Chemin Ste-Foy. C'est une évidence me direz-vous : on ne peut sérieusement songer à bloquer complètement des voies de transit aussi importantes en pleine semaine, sans avertissement. Alors si c'est une évidence, pourquoi est-il si difficile d'appliquer le même raisonnement aux axes cyclables? Pourquoi semble-t-il inconcevable de réfléchir à ce que signifie le vélo peint sur la chaussée, avant de la barrer complètement?

Et encore, si au moins tout cela était signalé, si au moins un détour avait été mis en place, mais que nenni! Dans la dernière photo, vous pouvez constater qu'aucun panneau d'avertissement ou de détour ne se trouve plus loin sur De Callières. Dans l'autre sens, l'arrivée se fait ainsi :

IMG_20160818_115038.jpgAucune indication. Aucun panneau. Aucun détour. Aucune information. En bref : on s'en moque.

Et encore, je suis probablement parmi les cyclistes qui ont été le moins affectés par cela : je suis un cycliste expérimenté, qui connaît bien la ville et qui possède un bon vélo. Faire le détour par René-Lévesque est franchement désagréable, d'autant plus qu'il implique un aller-retour de 500 mètres complètement inutile de par l'absence totale d'indication de ces travaux, mais je peux le faire. On ne peut toutefois en dire pareillement de la petite famille que j'ai croisée ce même jour et dont l'adulte accompagnateur répugnait visiblement (de manière compréhensible) à amener sa progéniture sur un boulevard urbain, ni de l'étudiant (apparement étranger à la ville) complètement perdu par ce détour inopiné.

Je le répète : à quoi bon mettre en place des liens "sécuritaires et efficaces" si c'est pour les fermer de façon aussi cavalière? Parce que les cyclistes ne sont jamais pris en compte dans ces situations.

4) On prend les mêmes et on recommence

Autre exemple sur le Vélo-Boulevard : le lien passe près du Chemin Ste-Foy, puis coupe à travers un parc pour rejoindre l'avenue Eymard. Par une belle journée de septembre, un cycliste peut ainsi passer par là :

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Puis arriver à l'entrée du parc :

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Cette promenade est décidément très pittoresque! Mais tiens, c'est curieux, ce camion stationné directement devant la sortie de la piste cyclable...

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Surprise! On se retrouve au beau milieu d'un réasphaltage complet de l'avenue!

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Si j'ai présenté les photos précédentes, c'est pour bien montrer qu'il n'y a absolument aucune indication de ces travaux. Pour les cyclistes, c'est tout simplement un cul-de-sac inopiné. Évidemment, il n'y a aucune indication de détour possible. Le Chemin Ste-Foy étant lui-même en travaux à ce moment, trouver un détour sécuritaire n'a absolument rien d'évident :

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Bref, vous étiez à vélo ces journées là? Autant dire que vous aviez à peu près autant d'importance qu'un pigeon asthmatique, à savoir aucune. Pourquoi? Parce que les cyclistes ne sont jamais pris en compte dans ces situations.

5) Il vous en faut encore?

Un autre exemple, toujours dans le même secteur de l'Axe Père-Marquette, environ un mois plus tard.

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Il n'y a rien à rajouter par rapport aux autres cas présentés plus haut. Travaux annoncés laconiquement par un unique panneau "Rue barrée", aucun détour prévu pour les cyclistes, durée des travaux inconnue, le combo habituel. Pourquoi? Parce que les cyclistes ne sont jamais pris en compte dans ces situations.

6) Vous en reprendrez bien une petite couche

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Croisement Raymond Casgrain et Louis-Fréchette

Pas d'avis, pas de signalisation, pas de détour, pas d'indications et, pour couronner le tout, voici ce qu'un cycliste pouvait voir en regardant à gauche, seule voie de détour possible (sachant qu'il est interdit de tourner à droite puisqu'il s'agit d'un sens unique et que même en passant outre, ce sens unique mène inéluctablement au Chemin Ste-Foy, ce qui n'est pas l'idéal) :

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Le pick-up jaune est bel et bien stationné là, bloquant la route

Un "petit oubli"

Le lecteur attentif aura remarqué que je termine toutes les précédentes mises en situation par "Parce que les cyclistes ne sont jamais pris en compte." Le summum de cette indifférence totale à l'égard des cyclistes est toutefois probablement la situation au Vieux Port.

Pour résumer rapidement, les arrivées successives de bateaux de croisière nécessitant de bloquer la majorité des quais, il a été décidé d'aménager une piste directement sur Dalhousie, retranchant ainsi une voie à la circulation automobile (leur déclarant ainsi la guerre, semble-t-il). Au mois de septembre (avant la fin de la saison de vélo), la ville a décidé de retirer cette piste pour ramener les vélos sur les quais. Point de problème, si ce n'est un tout petit, minuscule, nanoscopique détail : la ville n'a pas retiré la signalisation indiquant aux cyclistes d'emprunter Dalhousie. Autrement dit, des cyclistes qui suivaient parfaitement la signalisation et qui utilisaient le trajet qu'ils avaient emprunté tout l'été se sont soudainement retrouvé à contresens d'une voie automobile.

Je n'étais malheureusement (ou heureusement peut-être, j'en aurais probablement fait une syncope) pas présent à ce moment à Québec, mais cet article de Radio-Canada résume bien cette situation abracadabrante. Il se termine entre autres par une laconique déclaration de la ville :

Mise au fait du problème, la Ville de Québec corrigera la signalisation dès mercredi matin. Les quais du Vieux-Port seront rouverts aux cyclistes leur permettant ainsi de contourner la rue Dalhousie.

Permettez moi ici une petite question bien innocente : par quelle prodige la ville de Québec doit-elle être "mise au fait" que sa propre signalisation envoie des cyclistes à l'envers dans une route à haut débit de circulation? Faudrait-il commencer à "mettre au fait" la ville pour leur signaler de reboucher le trou après des travaux d'aqueduc? Faudra-t-il une bulle papale pour que la ville se "souvienne" de remettre le courant après une intervention sur un feu de circulation? Ou alors, les panneaux ont-ils dans ce cas-ci bougé à l'insu de la ville? Personne n'a réfléchi à l'incongruité manifeste de retirer une piste cyclable tout en maintenant sa signalisation? Personne ne s'est dit que (dixit l'article de Radio-Canada) le fait que :

Les barrières pour délimiter la piste cyclable avaient disparu, mais le marquage était toujours visible sur la chaussée.

allait de toute évidence causer de graves problèmes? Comment peut-on laisser passer une chose pareille? Une erreur d'inattention pourrait se comprendre, mais on ne me fera pas croire qu'un employé a retiré les barrières et autorisé les automobiles "par inadvertance".

Savez-vous le pire dans tout ça? C'est qu'en mai 2018, soit près de deux ans après que la ville ait été "mise au fait du problème", des panneaux de signalisation et marquages alimentant la confusion sont toujours présents!

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Ce panneau indique une piste cyclable à contre-sens
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Même chose pour celui-ci, au-dessus du feu de circulation
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Ici, la flèche vers la droite enjoint clairement les cyclistes à tourner sur Dalhousie

Je sais que j'ai l'air de monter sur mes grands chevaux, parce que c'est le cas. Des vies ont été mises en danger (sans compter tous les désagréments causés aux automobilistes comme aux cyclistes) uniquement parce que personne dans la chaîne de décision n'a été fichu de réfléchir. Et après, on se demande pourquoi ces zigotos de cyclistes ne respectent pas la signalisation. Petit conseil : le jour où la signalisation ne tentera pas de nous tuer, nous aurons de bien meilleures raisons de la suivre.

Mais la piste était fermée!

J'ai abordé le problème des périodes d'ouverture des pistes dans un précédent billet. Pour revenir au préambule de ce billet, si les activités sportives purement destinées au loisir s'accomodent fort bien d'un horaire fixe, il en est tout autrement pour un réseau cyclable utilitaire. Personne ne va aller s'offusquer qu'une piscine ferme la nuit ou n'ouvre pas assez tôt le matin et pour cause : personne ne va travailler à la nage... À l'opposé, se décharger de toute responsabilité en dehors de la période d'ouverture "officielle" des pistes cyclable n'a pas plus de sens que de décréter que les routes seront désormais "fermées" tous les 18 du mois. Bien sûr que les gens les emprunteront quand même si ça leur est nécessaire! Décrétez bien ce que vous voulez, ça ne changera rien au fait que s'il fait beau, les gens utiliseront leur vélo!

En gardant tout cela en tête, observons l'état de la piste Samuel-de-Champlain (sur le bord du fleuve) par un bel après-midi d'avril 2017.

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Ça promet...

Alors oui, on a déjà vu que l'état des pistes cyclables était quelque peu déplorable en début de saison, mais là ça bat des records... Approchons-nous un peu, voulez-vous bien?

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Le panneau indique de communiquer avec la ville pour tout "commentaire ou plainte". Oui, à ce propos...

On peut difficile faire plus bloqué, côté piste cyclable. Mais tout n'est pas perdu! Il semble exister un vague passage à peu près carrossable sur la gauche!

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Je vois la liberté, au loin!

Bon, essayons de contourner les travaux, donc. Ça ne devrait poser aucun problème après tout, qu'est-ce qui pourrait bien arriver...

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Oups...
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C'est invitant, c'est sûr

Un trou. Rempli d'une belle boue gluante et molle. Super. Impossible de passer à vélo à moins d'avoir des pneus 38 au moins, et clairement pas simple à passer à pied à moins d'avoir des bottes remontant jusqu'aux genoux (et vous avez souvent vu un cycliste avec de telles bottes?). Bon ben une fois qu'on s'est bien sali, il ne reste qu'à rebrousser chemin sur près d'un kilomètre, pour reprendre au final le boulevard Champlain, sans aucune signalisation indiquant aux automobilistes la présence de cyclistes, bien sûr.

Que veux-tu dire par "c'est une zone scolaire"?

Autre exemple rapide. La photo qui suit a été prise à l'intersection de la rue des Peupliers et de la 4e Avenue à Limoilou, soit tout juste à côté de l'école primaire Saint-Albert-le-Grand. Cette photo date du 5 septembre, en plein dans le début de l'année scolaire, donc. Couper une piste cyclable de la sorte (ce qui force les cyclistes à se décaler dans la voie automobile) serait déjà problématique en temps normal, a fortiori à cause des bollards qui forcent les cyclistes à se décaler au dernier moment; dans ce cas-ci, le fait que ce soit à côté d'une école ouverte est encore pire. Installer une voie temporaire pour les vélos, séparée par des cônes de la voie automobile, aurait été si simple pourtant...

Je n'accuse pas quiconque de vouloir attenter à la vie de nos enfants, puisque je sais pertinemment que cette décision (ou plutôt, cette non-décision) n'a pas été prise consciemment : on s'en fiche, tout simplement. Reste que le résultat est le même.

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Les détours qui ne mènent à rien

Parfois, pour je ne sais trop quelle raison, des panneaux de détour spécifiques aux cyclistes apparaissent. Par contre, n'ambitionnons pas : ces détours sont parfaitement incorrects et saugrenus. Deux petits exemples ici.

1) Rue des Chênes / Avenue du Colisée

La rue des Chênes a été réasphaltée l'été dernier. Par conséquent, le feu de circulation de son croisement avec l'avenue du Colisée était inopérant. Quant à la piste cyclable sur cette même avenue, voilà à quoi elle ressemblait :

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Bon, mettons de côté pour le moment le fait que la piste disparait littéralement sous l'amoncellement de panneaux et de cônes, et concentrons-nous sur le "détour" proposé aux cyclistes. Histoire d'être clair : la piste est sur l'avenue du Colisée et les travaux sur la rue des Chênes. La seule et unique action nécessaire est donc de traverser la dite rue. Pourquoi donc le panneau indique-t-il donc un détour à gauche? Mais bon, soit, tournons à gauche. Voici ce que l'on voit par la suite :

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D'accord... on fait quoi maintenant?

Il n'y tout simplement plus rien, si ce n'est d'autres travaux au loin. Qu'est-ce qu'il faut faire? Comment peut-on revenir à notre itinéraire initial? Visiblement, quelqu'un s'est fait demandé de mettre en place un détour pour les cyclistes, s'en est déchargé sur l'idiot de service, qui s'est contenté de placer un panneau sans suite indiquant "détour à gauche". Super.

2) Chemin Ste-Foy

Des travaux ont également été réalisés dans la partie est de l'axe Père-Marquette. Je me dois admettre que même après avoir laborieusement tenté de comprendre ce qui s'est passé lors de la mise en place des détours cyclables, tout cela reste passablement flou. En gros, on retrouvait :

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Un panneau indiquant aux cyclistes de faire un détour via... une rue en travaux.
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Une vue de la dite rue, pour ceux qui douteraient qu'elle soit vraiment en travaux...
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Un panneau détour spécifiquement pour les vélos (oui oui, il est là)
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caché derrière un panneau détour, mais surtout
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envoyant les cyclistes descendre la côte de l'Aqueduc ?!?!?

Vous savez quoi? Je ne cherche même plus à comprendre. À ce stade-ci, l'hypothèse la plus vraisemblable est que ces panneaux là ont carrément été placés au hasard...

Des bosses et des poussières

Toute personne ayant déjà circulé sur les routes québécoises sait pertinement que la qualité des chaussées peut y être très variable. Automobilistes comme cyclistes se doivent donc d'être prudent à cet égard et d'anticiper d'éventuels cahots.

Toutefois, cela n'excuse pas n'importe quoi. Par exemple, voici une piste cyclable sur le campus de l'Université Laval :

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Des cônes ont (heureusement) été ajoutés, mais un tel dénivelé n'a tout simplement pas de sens, d'autant plus que les cyclistes arrivent à angle par rapport à la bordure de trottoir, accentuant ainsi le problème.

Un autre exemple nous est donné par le début de la piste cyclable de la rue de Montmagny, dans Saint-Sauveur. Pendant un bon mois, une plaque de métal a été mise en place pour couvrir des travaux. Pour les cyclistes arrivant de la Pente-Douce, la situation se présentait ainsi :

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Notez que les cyclistes n'ont pas d'arrêt à cette intersection
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Génial...

Du côté d'arrivée des cyclistes, en dehors de la plaque, rien à signaler, tout a l'air sécuritaire, avec une bordure d'asphalte autour de la plaque pour éviter une coupure trop brusque. Or, de l'autre côté, en plein milieu de la bande cyclable, on se retrouve avec, surprise, un dénivelé de plus de 10 cm à cause de la bouche d'égout qui n'a pas été recouverte d'asphalte (n'hésitez pas à zoomer dans l'image précédente pour mieux le voir). Une belle surprise en perspective pour tous les cyclistes avec cette situation clairement accidentogène et où il est très facile d'abîmer son vélo -- c'est entre autres probablement une des meilleures manières de casser un rayon...

Encore une fois, le problème n'est pas qu'il y ait des travaux, mais que personne ne se soit posé des questions quant à la sécurité de l'installation temporaire pour les cyclistes. C'est un aménagement temporaire, soit, mais de tels obstacles devraient être adéquatement signalisés lorsque, comme dans ce cas-ci, ils sont tout simplement invisibles même pour un cycliste attentif.

L'aplatisseur à cyclistes

Transportons nous maintenant sur le boulevard Père-Lelièvre, en août 2017. Des travaux d'aqueduc y étaient manifestement nécessaires, puisqu'une section de 500 mètres a été en réfection pendant plus de 2 mois (août et septembre). On se souviendra que Père-Lelièvre possède une bande cyclable de chaque côté, et qu'il s'agit pour ainsi dire du seul lien est-ouest de la basse ville (de l'axe Père-Marquette au sud jusqu'à Chauveau au nord, il n'y a rien d'autre). Comment ces travaux ont-ils été adaptés aux cyclistes, donc?

Eh bien on commence en restant dans les classiques :

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Le bon vieux "panneau en plein milieu de la piste"

Bien sûr, tous les panneaux d'indication de ces travaux sont placés, comme le veut la tradition, de manière à bloquer entièrement la bande cyclable. Avançons encore un peu et voyons comment la présence des cyclistes est gérée au niveau du chantier :

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Un autre classique...

Bien sûr! Faisons marcher les cyclistes sur 500 mètres, ils aiment ça de toute façon... Laisser au cycliste le choix de descendre de son vélo s'il se sent moins à l'aise à certains passages (par exemple le tas de terre couvrant le tuyau)? Que nenni, on va plutôt les forcer à marcher tout le long (c'est bien la signification de ce panneau, qui oblige les cyclistes à débarquer et à marcher).

C'est bien évidemment la même chose de l'autre côté :

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Que du plaisir!

Pour les cyclistes arrivant de ce côté, il y a cependant une petite surprise particulière : comme on le voit, le détour des cyclistes se retrouve à être, dans ce sens, complètement à gauche des voies de circulation. Or, un cycliste roule bien entendu à droite des dites voies. Quel aménagement a-t-il été prévu à cet égard? Un panneau :

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Le panneau en question se retrouve bien évidemment dans la piste...

Oui, un panneau, dans la piste cyclable qui, une fois passé le croisement, indique tout bonnement aux cyclistes que bah en fait ils devaient être de l'autre côté. Ah, mais vous avez dépassé le croisement et n'avez donc pas de moyen de passer de l'autre côté? C'est dommage hein... Ah, mais en tant que cycliste qui souhaite respecter les règles, vous ne voulez pas passer sur le feu piétonnier? Dommage, débrouillez-vous pour tourner à gauche pour "emprunter le trottoir de l'autre côté".

Trois mois. Trois mois que ce cirque a duré. Oui parce que bien sûr, une fois les travaux finis, que fait-on des cônes, panneaux et autres items de construction? On les met dans la piste cyclable, pardi!

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C'en est quasiment artistique...

Je garde le meilleur pour la fin (littéralement, comme vous le constaterez). Mettez-vous dans la peau d'un cycliste qui vient de passer 5 minutes juste à essayer de comprendre où il doit aller, 10 autres minutes à marcher le détour et 5 autres à se replacer tant bien que mal dans la bande cyclable. L'euphorie vous gagne, vous pensez avoir triomphé de toutes les embûches, mais non! Il reste un panneau! Ironiquement, le panneau Fin. Oui, ce panneau qui indique la fin de vos tourments, mais qui est encore placé en plein milieu de la fichue piste!

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C'est la fin des haricots, visiblement...

Et là à ce moment, alors que je m'apprêtais à repartir après avoir pris la photo, j'ai eu une prescience. "Zoïle, mon vieux, attends donc quelques secondes encore", que je me suis dit. Résultat, 12 secondes plus tard :

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Je suis toujours dans la bande cyclable, hein...

Je n'aurais pas cru de prime abord que ce panneau s'appliquait à ma vie. Si j'avais continué, je serais mort. Je ne vois pas comment poser ça autrement : j'étais arrêté et bien visible à l'extrême droite de la bande cyclable et je me suis fait frôler par un autobus. Si j'avais poursuivi ma route, en tenant en compte du contournement du panneau? Je n'avais aucune chance.

Je vais être très clair ici : un jour, ce genre de stupidité causera la mort de quelqu'un. L'incapacité chronique à prendre en compte la sécurité des cyclistes dans les zones de travaux va entraîner la perte d'une vie. On aura beau jeu, ce jour là, de dire que "le cycliste n'était pas au bon endroit au bon moment", ou qu'il "a manqué de prudence" (un classique). N'empêche qu'à quelque part, il y aura une chaîne de personnes qui seront responsables, au moins moralement, de cette mort. Essayons de ne pas en arriver là, voulez-vous?

Conclusion

Il y a deux questions à se poser pour conclure. Premièrement, les travaux routiers posent-ils des problèmes de sécurité et d'efficacité aux cyclistes? Au vu de la dizaine d'exemples que je présente ici, cela me paraît difficilement réfutable (et encore, comme je le précise en préambule, je ne prétends nullement à l'exhaustivité, loin de là). Deuxième question, donc : faut-il faire quelque chose? À ce sujet, les avis peuvent différer, mais une chose est sûre : l'hypocrisie a assez duré. Si la ville ne veut pas prendre en considération la sécurité des cyclistes, soit, mais qu'elle le dise. Que l'on cesse ces discours creux de promotion des transports alternatifs, actifs et durables si, du même souffle, on refuse ne serait-ce que de reconnaître ces graves déficiences.

La résolution de ces déficiences ne serait même pas particulièrement complexe. Il suffit de suivre ces cinq principes:

  1. La signalisation et l'équipement liés à des travaux ne doivent en aucun cas empiéter sur les voies cyclables, sauf lorsqu'expressément prévu en ce sens (i.e. fermer une voie cyclable)
  2. Les détours proposés aux cyclistes doivent être présents, simples à suivre et raisonnables en termes de sécurité et d'efficacité
  3. Aucune signalisation contradictoire ne peut être tolérée et ce en toutes circonstances
  4. Les panneaux forçant les cyclistes à descendre de leur vélo doivent être utilisés avec la plus grande parcimonie
  5. Les travaux doivent être planifiés de manière à minimiser autant que possible l'impact sur la circulation cyclable, et ce même en dehors des périodes d'ouverture "officielle"

Rien d'exceptionnellement difficile, ni de particulièrement coûteux. Rien de plus que ce qui est demandé par les automobilistes, au fond. Vous voulez une ville "reconnue pour son réseau cyclable sécuritaire et continu"? Commencez par vous assurer que vous ne le piégez pas, ce réseau cyclable...

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