Cyclistes et zones de travaux
Par Le zoïle à pédales le samedi, septembre 19 2015, 01:09 - Situations dangereuses - Lien permanent
S'il y a une chose dont l'automobiliste moyen se passerait bien, ce sont les travaux routiers. Malheureusement, par définition, l'amélioration, l'entretien et l'extension du réseau routier passent... par des travaux routiers. C'est donc une réalité avec laquelle il faut composer, que cela nous plaise ou non. Cette constatation vaut également pour les cyclistes : il serait bien malvenu pour un cycliste de s'offusquer de l'existence même de ce qui lui permet de profiter d'infrastructures routières et cyclables. Cependant, cela n'implique pas pour autant que ces travaux puissent être exécutés n'importe comment. Tout comme les automobilistes sont en droit de s'attendre à une signalisation claire, des détours minimaux et justifiables et des chantiers sécuritaires pour eux, les cyclistes ne devraient jamais se retrouver dans des situations dangereuses ou incompréhensibles. Las, comme nous allons le voir, c'est (très) loin d'être le cas...
Une encombrante signalisation
Qui dit travaux dit signalisation temporaire et particulière, je crois n'étonner personne par cette affirmation. Selon les normes du MTQ, cette signalisation doit être installée de manière à ne pas gêner la circulation des véhicules, hormis évidemment si le but de la signalisation est justement de limiter l'accès à certaines parties de la chaussée (par exemple une voie fermée). Pour ce qui est des automobiles, ces normes sont en général assez respectées; on voit rarement un panneau annonçant des travaux en plein milieu d'une voie de circulation. Toutefois, lorsqu'il est question des cyclistes, on dirait que tout ce bon sens disparait en fumée, si bien qu'il faut souvent composer avec des situations telles que les suivantes :
1) Boulevard Hochelaga (août 2014)
2) Rue Raymond-Casgrain, Axe Père-Marquette (août 2014)
3) Chemin Saint-Louis (août 2014)
4) Boulevard Père-Lelièvre (septembre 2015)
(admettez que la perspective de devoir pédaler entre l'autobus et le panneau encore plus large que la maigre bande cyclable est alléchante...)
5) Un peu plus loin sur ce même boulevard (les panneaux sont carrément dans l'autre sens, et on peut noter un nombre effarant de panneaux et de cônes stockés dans la piste cyclable de l'autre côté) :
6) Boulevard Henri-Bourassa (juin 2015)
7) Rue St-Félix, Cap-Rouge (septembre 2015)
J'ai pris ces sept exemples, mais il y en a bien franchement encore bien d'autres. Dans toutes ces situations, les panneaux sont situés en plein milieu de la bande cyclable et forcent les cyclistes à sortir de celle-ci sans aucune raison valable. Je n'ai qu'une question : qu'est-ce que ces panneaux font là? Vraiment, ça ne choque personne de bloquer une voie de circulation au complet? C'est d'autant plus incompréhensible que dans six de ces situations, les panneaux d'indication ne s'appliquent pas aux cyclistes. Dans le cas d'Hochelaga, le panneau annonce des travaux dans la voie de gauche, dans le cas de St-Louis il concerne le détour d'une autre rue, dans celui de Père-Marquette il indique seulement une fermeture temporaire de la rue pour les automobiles qui doivent donc emprunter le Chemin Ste-Foy, dans le cas de Père-Lelièvre les panneaux sont carrément à l'envers, sur Henri-Bourassa les travaux concernent la gauche de la voie automobile -- sans compter que si on observe attentivement la photo, on peut constater que la piste plus loin est littéralement remplie de cônes et panneaux inutilisés -- et dans le dernier cas les panneaux sont présents pour signaler le détour d'une rue transversale...
Je ne dis pas que disposer ainsi des panneaux serait acceptable s'ils concernaient les cyclistes -- ce ne serait pas plus acceptable que de voir les mêmes panneaux en plein milieu d'une voie de circulation automobile -- mais au moins on pourrait justifier leur présence près de la bande cyclable. Mais ici, non, rien de tout cela. On a demandé à un quelconque hurluberlu de positionner des panneaux de signalisation temporaires et ce dernier s'est dit que la piste cyclable était un bon endroit pour se débarasser de tout ça.
Cet arrangement n'a rien de pratique, mais il est de plus extrêmement nuisible à la sécurité des cyclistes, non seulement de par le fait qu'il bloque littéralement une voie de circulation sans raison (il m'appert personnellement évident que de placer un obstacle en plein milieu d'une voie soit dangereux, mais il semble manifestement que tous ne soient pas de mon avis), mais aussi parce qu'il force les cyclistes à s'insérer dans le flot de circulation automobile, alors que le but même d'une bande cyclable est d'éviter cela. Finalement, cette manière de signaler les travaux est aussi dangereusement trompeuse, puisque dans l'esprit de beaucoup de cyclistes, de tels panneaux signifient logiquement que la piste cyclable est fermée plus loin, alors que ce n'est pas du tout le cas. Par exemple, dans le cas de la rue Raymond-Casgrain, les panneaux semblent clairement indiquer que la piste cyclable est fermée et que les cyclistes doivent tourner à droite (tel que prescrit par la flèche à droite entourée d'un cercle vert), alors que ce n'est absolument pas le cas. La voie cyclable n'a absolument pas été touchée par ces travaux (qui concernaient le Chemin Ste-Foy) et tourner à droite pour les cyclistes faisait plutôt en sorte qu'ils se retrouvent en plein milieu d'un boulevard urbain aux voies d'une largeur réduite et à la circulation dense. À mon sens, la raison pour laquelle il n'y a pas eu plus de problèmes avec les cyclistes est que ces derniers ont pour la plupart décidé de passer outre ces panneaux et de continuer sur l'axe Père-Marquette. Une heureuse conclusion? Absolument pas, puisque tous ces cyclistes ont commis un acte illégal en continuant tout droit et en ne respectant pas l'obligation de tourner à droite. Oui, vous savez, ce Code de la Route qu'on nous rebâche à toutes les sauces pour justifier à quel point les cyclistes ne méritent ni considération, ni espace sur la route? Dans ce cas-ci, en combinaison avec une gestion des travaux des plus déplorables, c'est précisément cette loi qui menait les cyclistes "respectueux" droit dans un mur (d'automobiles)...
De déroutantes annonces
Je l'ai dit en introduction : les travaux font partie du cycle de vie normal des infrastructures et il faut en accepter les quelques nuisances, dont, entre autres, les fermetures d'artères. Ces fermetures devraient cependant être savamment soupesées et n'être utilisées qu'en dernier recours. Lorsque de telles fermetures sont inévitables, deux situations potentielles sont possibles :
- La fermeture concerne une artère de transit, ou, du moins, une rue d'importance. Dans ce cas, il est absolument nécessaire de mettre en place et d'indiquer de manière claire un détour permettant de contourner la zone de travaux.
- La fermeture concerne une rue d'importance mineure, uniquement dédiée à la circulation locale. Ici, la mise en place d'un détour complet est moins nécessaire, puisqu'on peut supposer que les gens affectés par les travaux en connaîtront l'évolution tout comme ils connaissent le quartier et pourront donc éviter la zone problématique. On peut toujours arguer qu'il serait encore mieux de mettre en place un détour comme pour le cas #1, mais, pour des raisons d'efficacité, une simple signalisation basique me semble adéquate.
Dans le cas des automobiles, cette dualité est généralement bien respectée. Lorsque les travaux concernent des voies importantes, ils sont annoncés, indiqués à l'avance, avec un détour ou des voies de déviation alternatives clairement identifiées. Tout ce beau portrait se gâte cependant lorsque l'on parle des vélos. Prenons un exemple : nous somme au début septembre, avant la Fête du Travail, et vous empruntez l'Axe Père-Marquette, anciennement appelé "Boulevard à vélos", figure de proue de la ville de Québec lorsqu'il s'agit de l'amélioration des infrastructures cyclables au cours des dernières années. À titre de rappel, cet axe constitue l'unique voie cyclable recommandée pour traverser la Haute-Ville d'est en ouest; c'est LE trajet que tous les cyclistes devraient emprunter. Vous roulez donc tranquillement lorsque vous tombez face à face avec ceci :
"Rue barrée", tout simplement. Est-ce que la rue est réellement barrée ou seulement à circulation restreinte? On ne le sait pas. Est-ce que la rue est barrée pour les automobiles, pour cause de manque d'espace, mais peut néanmoins toujours permettre le passage des vélos? On ne le sait pas. Sur quelle distance la rue est-elle bloquée? On ne le sait pas. Où aller, en tant que cycliste, pour éviter cette rue barrée? On ne le sait pas. En fait, c'est simple, on ne sait rien. Comme je l'ai expliqué, ce genre de signalisation sommaire serait tout à fait suffisante sur un lien dédié à la circulation locale, mais ici vous êtes sur le lien cyclable principal de la Haute-Ville et personne n'a cru bon de mettre en place une signalisation adaptée.
Erreur de parcours? Mauvaise planification due à des facteurs exceptionnels et ne représentant pas fidèlement la réalité? Point du tout. L'année suivante, la même situation se répète, cette fois un peu plus loin :
J'ai photographié les deux côtés des travaux pour bien montrer à quel point le message est affreusement confus. "Rue barrée", c'est tout ce que les cyclistes ont pour trouver leur chemin et prendre une décision. Est-ce que les zones de travaux qu'on voit au loin sont suffisamment importantes pour empêcher le passage de cyclistes? Aucune idée. Quel est le meilleur chemin pour éviter ce secteur "barré"? Aucune idée. Encore une fois, merci, chers administrateurs municipaux, de nous montrer à quel point vous n'avez rien à cirer des cyclistes et comment votre beau projet de Vélo-Boulevard que vous décrivez avec tant de superlatifs n'est rien d'autre qu'un écran de fumée qui ne change rien au problème de fond qu'est la perception que vous avez du cyclisme utilitaire.
Vous voulez d'autres exemples? Demandez-en, il y en a!
Axe Marie-de-l'Incarnation / Pente Douce
Dans le même esprit que la fermeture de l'Axe Père-Marquette, cette simple photo dépeint une situation considérablement plus problématique qu'elle peut ne le laisser paraître :
Cette rue barrée (le panneau est tombé à la renverse, probablement à cause du vent, les travailleurs n'ayant pas jugé bon de le lester...) fait partie de l'unique voie cyclable nord-sud du secteur. Si on considère cette rue comme une simple rue résidentielle, une telle fermeture n'est pas très grave, mais le fait que ces travaux coupent aussi un axe cyclable principal est nettement moins acceptable, d'autant plus qu'encore une fois, aucun détour n'est prévu dans ce labyrinthe de sens uniques qu'est Saint-Sauveur. Cyclistes, vous voulez vous rendre en Haute Ville? Débrouillez-vous. Et encore, au moment de la prise de la photo, il est à la limite possible de passer par le trottoir (illégalement...), mais ce n'est pas du tout le cas lorsque la machinerie débarque...
Le même problème a pu être également relevé sur le même axe de déplacement, cette fois sur Calixa-Lavallée. Pendant une bonne partie de l'été, le cycliste qui souhaite descendre la Pente-Douce se retrouvait alors devant cette situation :
D'accord, je veux bien que la rue soit barrée, mais par pitié, où dois-je aller? La rue est-elle toujours assez large pour que je puisse passer à vélo? Sinon, est-ce que Belvédère, juste à côté, est un détour sécuritaire? Devrais-je plutôt descendre une autre côte? Autant demander la Lune plutôt que des réponses à ces questions...
Corridor des Cheminots, Shannon
Par une belle fin de semaine du début mai, vous décidez d'enfourcher votre vélo et d'aller faire un tour sur le Corridor des Cheminots. Peut-être irez-vous jusqu'à la rivière Jacques-Cartier, sur laquelle l'ancien pont ferroviaire offre une vue imprenable. Tout va bien jusque là, sauf qu'en arrivant aux abords de Valcartier, vous tombez sur le panneau suivant :
Hum attendez, il est strictement interdit de circuler à vélo sur une piste cyclable? Pourquoi? Des travaux majeurs plus loin sur la piste? Une compétition occupant celle-ci? Un exercice militaire de la base juste à côté? Pas du tout. C'est simplement que la piste est fermée l'hiver et que personne ne s'est dit que de tels panneaux encore présents au début mai pouvaient potentiellement être déroutants pour les cyclistes. D'ailleurs, parlant de cyclistes, que doivent-ils faire? D'accord, la piste est fermée, on l'a bien compris, mais où peut-on aller? Sur le boulevard Valcartier? Sur quelle distance? Encore une fois, on ne sait pas, et pour cause : ce panneau (ainsi que ses comparses, il y en avait un à chaque croisement) ne devrait tout simplement pas être là...
Pont de Québec
Le Pont de Québec revêt une importance particulière pour les cyclistes, puisqu'il est littéralement le seul et unique pont sur le fleuve accessible aux cyclistes en aval de Montréal. Bien que son aménagement cycliste/piétonnier soit très loin d'être idéal (nous y reviendrons dans un prochain billet), il n'en reste pas moins qu'il s'agit du seul lien terrestre intra-rives de la région. Aussi, lorsque vous souhaitez traverser et que vous voyez de tels panneaux à vélo, c'est très loin d'être une bonne nouvelle :
Le premier est du côté de Québec, le second du côté de St-Romuald (on remarque au passage dans la seconde image des cônes encore placées inutilement dans la piste...). "Pont de Québec barré", disent les panneaux : c'est de prime abord on ne peut plus clair! Sauf que bon, ce n'est pas barré pour les cyclistes, le trottoir est encore ouvert. Eh les amis, ça ne vous tentait pas de mentionner ce léger détail? Pour les automobilistes, le Pont de Québec fermé signifie un détour de 2 minutes par Pierre-Laporte. Pour les cyclistes, ça signifie au mieux un détour de 20 km et 3.50$ pour traverser par bateau, au pire de carrément devoir rebrousser chemin. Et malgré tout cela, malgré que l'événement ayant mené à la fermeture du pont (le marathon des deux rives) soit prévu depuis des mois, personne n'a songé à ajouter ne serait-ce qu'une affichette en carton précisant aux cyclistes qu'ils pouvaient passer?
Véloroute Marie-Hélène Prémont, L'Ange-Gardien
La Véloroute Marie-Hélène Prémont, qui va de Boischâtel à Ste-Anne-de-Beaupré, est une belle voie cyclable permettant de suivre le fleuve sur des routes peu achalandées, voire hors route. Elle est la seule piste cyclable du secteur et évite aux cyclistes d'avoir à emprunter la 138 qui, dans le secteur, n'est pas des plus sécuritaires. Malheureusement, en plein mois de juillet, voici ce qu'un cycliste pouvait voir en arrivant à l'Ange-Gardien :
Hum, tout cela semble sérieux! Dans l'autre direction, un panneau similaire invite les cyclistes (et spécifiquement les cyclistes) à faire eux aussi un détour :
Ce détour n'a rien de bénin : au lieu de faire passer les cyclistes par une piste hors route puis par une bande cyclable sur une route à très faible débit, il envoie les cyclistes sur le Chemin du Roy, qui passe en plein milieu du village et est nettement plus fréquenté. De plus, ce détour n'est pas une question de quelques dizaines de coups de pédale, puisqu'il fait près de 4 km! Pour forcer les cyclistes à faire un tel détour, les travaux doivent être titanesques et réellement empêcher tout passage, n'est-ce pas? Eh bien absolument pas. Voici une photo présentant la zone de travaux en question dans son intégralité :
En gros, 50 mètres à faire sur du gravier et c'est tout. Ce détour force les cyclistes à grimper puis redescendre une côte, traverser inutilement un village sur une route étroite et tourner à gauche sur une rue fréquentée, tout ça pour 150 pieds de caillasse?
Je comprends bien que ces travaux ont pu être d'une plus grande ampleur (par exemple avec la mise en place d'égoûts), mais deux éléments importants sont à considérer :
- L'importance de ces travaux rendait-elle réellement nécessaire la mise en place d'un tel détour aux cyclistes?
- Même en supposant que la réponse à la dernière question soit "oui", n'aurait-il pas été possible de tenir la signalisation à jour et de retirer le détour lorsqu'il n'était manifestement plus nécessaire? La photo a été prise pendant les vacances de la construction; il y a donc eu (au moins) une fenêtre de 15 jours où la zone de travaux était dans cet état exact. Aurait-il vraiment été si difficile de retirer deux misérables panneaux?
Des travaux privés à conséquences publiques
Il n'est déjà pas facile d'accepter tous les bâtons que les travaux publics mettent inutilement dans les roues des cyclistes; lorsque ces écueils sont dus à des travaux d'intérêts privés, la pilule est encore plus difficile à avaler. J'aurais pu prendre de nombreux exemples pour illustrer ce problème. En particulier, je me remémore fort bien les premiers développements domiciliaires du Boul. des Gradins, à Charlesbourg, où les entrepreneurs avaient tout simplement utilisé la piste cyclable des Cheminots comme débarras, si bien que cette dernière s'était retrouvé ensevelie sous les gravats en plein été. Cependant, à ce moment, je n'étais pas encore aussi fou motivé et je ne documentais pas toutes les situations bizarres que je croisais. Si quelqu'un a des photos à partager à ce sujet, je suis preneur.
Reprenons plutôt le cas de l'Axe Père-Marquette. Dans ce cas-ci, je vais m'intéresser à deux situations, dont voici les photos :
La première photo a été prise dans un terrain près du Collège Bellevue et les deux suivantes sur la rue de Callières, près de l'intersection avec Marguerite-Bourgeoys (à deux moments distincts). Dans les deux cas, ces situations dépeignent :
- Des travaux privés (dans le premier cas, c'est pour la construction de condos et dans le second cas, pour la réfection d'un terrain)
- Des obstacles liés à ces travaux qui occupent l'entièreté de la voie de circulation des cyclistes. Dans le premier cas, une bande réfléchissante a même été installée pour empêcher les cyclistes de se faufiler dans l'espace libre.
- La fermeture d'un axe de transit majeur sans aucune indication préalable ou détour annoncé.
Entendons-nous bien ici : je ne suis ni contre la vertu, ni contre le progrès. Je n'ai aucun problème avec les nouvelles constructions ou les réfections de bâtiments privés, évidemment. Non, le problème, c'est qu'il semble tout à fait normal de bloquer entièrement une voie de transit cyclable sans préavis et sans aménagement spếcial. Imaginez si vous preniez votre automobile un matin et que le Boul René-Lévesque était entièrement bloqué sans avertissement dans les deux directions parce que quelqu'un voulait refaire son balcon : que diriez-vous? Que c'est normal et qu'il faut bien que les travaux se fassent? Bien sûr que non... pourquoi est-ce différent pour les vélos?
Tenez, pour la forme, un autre exemple d'une telle situation : la piste cyclable (et trottoir) du Boul Chauveau entièrement bloquée par les véhicules d'une entreprise d'aménagement paysager. Admettez qu'en tant que cycliste, vous mourrez d'envie de devoir éviter ces obstacles en passant par la voie de circulation inverse...
Étude d'un cas particulier : Corridor de la Rivière St-Charles
Avant de conclure ce billet, j'aimerais présenter une dernière situation problématique. Contrairement aux précédentes, elle se situe sur une piste cyclable entièrement hors route (le Corridor de la Rivière St-Charles), mais elle n'en reste pas moins instructive. À l'origine de cette situation, la volonté de la ville de construire une nouvelle passerelle piétonnière reliant les deux rives de la St-Charles. Je ne peux décemment m'opposer à un tel projet, bien que sa mise en place ait été vertemment critiquée par certains, mais observons plutôt comment ces travaux ont été gérés. Du côté nord, c'est assez simple, puisque la piste cyclable passe largement à l'écart de la rivière. À part des allers-retours de camions, rien de particulier à signaler. Le côté sud est cependant plus intéressant. La figure ci-dessous présente en rouge le tracé normal de la piste cyclable et en jaune la zone approximative des travaux. Le tracé bleu correspond au détour mis en place :Avant de poursuivre plus avant dans l'analyse de ce cas, il est bon de savoir que ce détour a été en place pendant près de sept mois (de la mi-mai de la fin avril au 23 novembre 2015). On ne parle donc pas d'un détour d'une fin de semaine, mais bien d'un détour quasi permanent qui a affecté les cyclistes durant l'entièreté des saisons estivale et automnale.
Le détour est constitué d'un simple balisage dans l'herbe bordant la piste. Voici l'arrivée du côté est :
Je ne sais pas si vous avez remarqué, mais c'est, en bon québécois, bouetteux. Pire encore, les cyclistes doivent descendre de leur vélo et marcher dans cette boue!
Et ce n'est pas tout, savez-vous ce que l'on retrouve dans cette boue? Des cailloux en grande quantité, certes, mais aussi ce genre de choses :
Vous avez bien vu. C'est ce qui reste d'un poteau en acier qu'on a jugé plus rapide de couper à sa base plutôt que de le sortir du sol. Réfléchissez maintenant à ce que donne la combinaison "bout de métal difficile à voir et aux multiples arêtes" et "pneu de vélo"... Non, vraiment, personne ne s'est dit que c'était peut-être stupide de laisser ça ainsi?
Encore une fois, cette solution (hormis en ce qui concerne les bouts de métals enterrés) aurait pu être acceptable pour un détour d'une fin de semaine, mais clairement pas pour un détour appliqué pendant tout l'été! Et vous savez quoi? Ce n'aurait même pas été difficile ou coûteux de faire mieux, et je le démontre. Le tracé vert sur la carte plus haut est le détour que je propose dans cette situation.
Il commence (en partant de l'ouest) par une voie déjà asphaltée et normalement utilisée comme entrée de la piste :
Coût de l'aménagement : 0$ + signalisation
Par la suite, on arrive dans le stationnement de l'école Wilbrod-Behrer. Ce stationnement est généralement libre, encore plus pendant la période estivale :
Comme on le voit, l'entrepreneur ne s'est d'ailleurs pas gêné pour y entreposer remorques et conteneurs. Il aurait donc été simple de mettre en place un couloir cycliste à gauche des blocs de béton, en ne retirant qu'un espace minimal au stationnement, par ailleurs déjà asphalté.
Coût de l'aménagement : 0$ + cône de signalisation
Il reste finalement à revenir sur la piste cyclable. Un accès mineur est déjà présent (la piste est tout juste après le virage, à côté de la poubelle que l'on voit en arrière-plan) :
Il aurait simplement fallu l'élargir un peu afin de lui permettre de recevoir le flux de cyclistes des deux directions et retirer le bloc de béton bloquant son entrée. Cet élargissement ne devant supporter que des cyclistes, il peut être fait à coût modique comme dans bien d'autres situations en mettant simplement de l'asphalte sur une toile géotextile. Ça ne dure pas 20 ans, mais pour un été et une longueur de 20 mètres, c'est plus que suffisant.
Coût de l'aménagement : un peu d'asphalte pour l'élargissement, le fond étant déjà solide.
Ou alors, si vous préférez plus simple : uniquement asphalter le court détour déjà mis en place, pour éviter d'avoir à forcer les cyclistes à descendre de vélo dans la boue...
Bref, avec quelques aménagements mineurs et faciles à mettre en place, il aurait été possible :
- D'éviter de forcer les cyclistes à descendre de leur vélo durant tout l'été
- D'éviter un trajet forçant les gens à marcher dans la boue et le gravier
- D'éviter d'avoir à retirer des éléments dangereux du sol de ce détour (mais bon ça ils ne l'ont pas fait de toute façon donc...)
N'aurait-il pas au moins été possible de considérer un tel aménagement alternatif?
Conclusion
Ce que j'ai présenté dans ce billet n'est que la pointe de l'iceberg. Des travaux affectant les cyclistes d'une manière éhontée, c'est la norme et non l'exception. On peut penser par exemple à la réfection du Boul. Ste-Anne à Beauport (où la piste cyclable du Corridor du Littoral a servi de zone de dépôt de la terre), à l'établissement de l'aqueduc Val-Bélair/Shannon (qui, puisqu'il passe en dessous du Corridor des Cheminots, a forcé sa fermeture complète pendant tout un été en plus de laisser des traces permanentes sous forme de chenilles imprimées dans l'asphalte), à la rénovation du Boul. Henri-Bourassa (qui a vu le Corridor des Cheminots être fermé tout l'été pour pouvoir encore une fois servir de dépotoir), etc., etc. L'énumération est sans fin et les exemples de mauvaise gestion du trafic cyclable la règle plutôt que l'exception. Rappelons-le, je ne parle pas seulement de confort ici, mais bien de la sécurité des cyclistes qui est mise en jeu par le laisser-aller des autorités. Pire encore, au delà des conséquences directes qu'ont ces mauvais aménagements, le message qu'ils envoient aux cyclistes est probablement encore plus problématique : l'idée qu'au fond, on s'en fiche des vélos. Que si nous pouvons rouler, c'est seulement parce que d'autres le veulent bien et que si la piste cyclable peut être mise à contribution d'une quelconque autre façon que ce soit (dépotoir, zone de dépôt de terre, stationnement pour camions et engins lourds, zone de positionnement et de remisage des panneaux de signalisation, etc.), alors cette para-utilisation sera toujours préférable à son usage par les cyclistes -- et tant pis pour ces derniers. Qu'au final, les cyclistes sont un pis-aller que l'on tolère du moment qu'ils ne gênent rien d'autre.
Et par delà ma frustration de voir ces situations incohérentes et dangereuses se répéter apparemment sans fin, je ne peux m'empêcher de ressentir une certaine tristesse. La tristesse de constater que les cyclistes ne valent visiblement même pas 15 secondes de réflexion. La tristesse de constater la différence de traitement entre les automobiles et les vélos lorsque l'on parle de zones de travaux. La tristesse de constater que si on est toujours prêt à agir pour ajouter une nuisance de plus sur les pistes cyclables au nom de la sécurité routière, il semble toujours impensable de réellement réfléchir à ce qui signifient les mots sécurité et efficacité pour les cyclistes. La tristesse de constater que la plupart des cyclistes ne remarquent même plus ce genre de situations, tellement elles sont devenues banales à force de les expérimenter.
Je ne sais pas exactement ce qu'il faudrait faire, mais une chose est certaine : présentement, quoi qu'on fasse, on le fait mal...
Commentaires
Je vous confirme que le détour pour les travaux de la passerelle était déjà en place le 30 avril à 08h15 du matin. Et comme il était toujours en place le 1er novembre, il a touché l'entièreté de la période d'ouverture officielle de la piste.
Merci de l'information, je n'étais pas trop certain de la date de commencement des travaux. Effectivement, ceux-ci ont donc affecté toute la période d'ouverture officielle des pistes cyclables... Sans commentaires...
J'ai fait un face a face avec un camion benne qui sortait d'un terrain vacant et ensuite traversait la voie cyclable et le trottoir pour rejoindre l'artère Quatres bourgeois (travaux coin 4 bourgeois et route de l'église). J'ai appelé la ville (311) pour installer au minimum un panneau ou déplacer le signaleur du chantier (la grande majorité des accidents graves pour les cyclistes impliquent des camions benne). Il m'arrive assez souvent de déplacer des cônes oranges qui jonchent les rues longtemps après la fin des travaux afin de les mettre hors des trajectoires des cyclistes. Il faut prendre des actions parce que la sécurité des cyclistes n'est pas une priorité pour la ville de Québec.
@Gabinsky
Vous avez absolument raison. Je vous félicite également pour le temps que vous passez à tenter de rendre les choses un peu moins dangereuses pour les cyclistes. Il faudrait vraiment que des normes soient mises en place pour s'assurer que ces situations dangereuses évitables ne se produisent plus, mais bon, c'est un peu utopique au vu de L'absence totale d'amélioration au cours des dernières années...