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Éloge d'un anti-zoïle

En ce mois d'avril où les automobilistes semblent, comme à chaque printemps, redécouvrir avec stupeur l'existence des cyclistes, j'ai ressorti mon vélo. En cette arrivée de la belle saison où d'aucuns prônent l'utilisation de moyens pour le moins énergiques afin de réduire la présence de ces parasites urbains, j'ai, comme à chaque année, retrouvé avec plaisir cette sensation de liberté et de plénitude qu'accompagne le vélo. En ce printemps où certains énergumènes à la langue trop bien pendue feraient mieux d'interrompre leurs chroniques radiophoniques pour aller se renseigner sur diverses observations aussi fascinantes que révélatrices quant à la vacuité d'un "troisième lien" tels que les paradoxes de Braess et de Downs-Thomson, la constante de Marchetti et la position de Lewis-Mogridge, je me sens, comme l'année dernière, optimiste. Pourtant, ce printemps-ci est différent. Je suis un peu moins béat que d'habitude, un peu moins confiant dans l'avenir. Pourquoi donc? Le Vélurbaniste a décidé de cesser ses activités.

Personne n'est irremplaçable, c'est bien vrai. N'empêche que certaines personnes sont plus difficilement remplaçables que d'autres. Le Vélurbaniste (je vais l'appeler par ce nom, qui était celui qu'il avait choisi pour représenter son rôle) faisait partie de cette catégorie.

Je suis bien placé pour connaître les efforts nécessaires au maintien d'un blog sur le cyclisme urbain : se déplacer pour découvrir et documenter les problèmes potentiels, être à l'affût des nouveaux développements et des travaux sur le réseau, prendre le temps d'expliquer et d'illustrer la dangerosité ou le côté peu pratique d'une situation ou d'un aménagement, tout cela prend du temps, énormément de temps. Et pourtant, mon travail avec mes billets s'arrête là où le Vélurbaniste poussait beaucoup plus loin. Prendre part aux tables de concertation et conseils de quartier, contacter les responsables municipaux et provinciaux, intervenir dans les médias lors d'événements ou d'accidents et même participer à des émissions radiophoniques pour tenter de pédagogiquement démystifier le cyclisme à un public qui, disons-le franchement, ne part pas avec un préjugé favorable, tout cela représente bien plus d'efforts que tout ce que j'ai pu réaliser avec ce blog. Quand je peux, une fois un article écrit, retourner à mes autres occupations et mener tranquillement ma double vie de justicier à pédales, quelqu'un comme le Vélurbaniste ne peut dissocier sa personne de son rôle.

Ce dévouement est d'autant plus honorable qu'il est ingrat : sans aucun pouvoir réel, il faut tenter d'influencer les décisions de personnes qui ont bien d'autres choses à faire que d'écouter vos doléances et s'imposer comme un intermédiaire utile et important à des gens qui se passeraient bien volontiers de voir leurs erreurs étalées sous leur nez. Ça signifie aussi ne pas céder à la frustration et expliquer, réexpliquer et ré-réexpliquer calmement pourquoi il faut changer les choses et comment il faudrait le faire (bref, tout ce que je ne fais pas).

La position que j'expose dans l'introduction de ce blog n'a pas changée : j'assume toujours le ton polémique employé dans mes billets. Toutefois, il est indubitable que ce n'est pas grâce à un blog tel que le mien que les choses ont ou vont changer. C'est grâce à des gens comme le Vélurbaniste, dont le départ sera donc regretté. Je ne prétendrai pas reprendre le flambeau, ce serait par trop présomptueux de ma part, mais je vais continuer à dénoncer les manques et les problèmes du réseau cyclable, jusqu'à ce que, enfin, je n'ai plus rien sur quoi râler!

Cher Vélurbaniste, nous nous sommes déjà fréquemment croisés durant les "Masses critiques" (même si je ne me suis jamais identifié, trop désireux de garder mon identité secrète — ou, plus prosaïquement, parce que tout le monde s'en fiche de mon identité) et j'ai toujours admiré ta patience et ton dévouement à la cause du cyclisme urbain à Québec. Je ne te souhaite qu'une chose : que ton départ soit effectivement dû à une simple lassitude bien compréhensible et non à un autre événement personnel négatif. Dans tous les cas, je te souhaite une très bonne route sur cet objet inanimé auquel nous nous attachons tant qu'est le vélo. N'oublie pas que, comme on dit, la route est longue, mais la roue est libre!

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P.S. De nouveaux billets arrivent rapidement, à commencer par ma traditionnelle revue des "restes d'hiver" sur les pistes cyclables...

Commentaires

1. Le jeudi, mai 11 2017, 19:14 par Veloboulo

Le velurbaniste et vous etes inspirants. Ma ville a un plan de mobilite durable et implante pistes et bandes un peu partout. Utile mais parfois des horreurs "enginered, not designed" pour reprendre la formule de copenhagenize par l'envers.

Je me suis offert un retour du travail par la nouvelle(2016) piste cyclable bidirectionnelle le long du boulevard commercial, devant le centre commercial, le tout en conformité avec le CSR. Car bien sûr à chaque feu, la ville a implanté le fameux pannonceau qui oblige les cyclistes à utiliser le feu pieton. J'ai religieusement utilisé les feux pietons meme quand c'etait vert. Resultat? 850m en 16 mn! On est loin de la mobilite endurable. Je vais ecrire un mot sur mon 'aventure' a ma conseillere municipale. Salutations.

Ps heureusement, mon circuit usuel passe ailleurs, sur un segment urbain de la route verte.

2. Le jeudi, mai 11 2017, 22:05 par veloboulo

Oupsie. Je viens de revisionner mon video . C'est plutôt 12 minutes pour 850m, et non 16. Mea culpa.

3. Le mardi, mai 16 2017, 01:35 par Le zoïle à pédales

Merci pour votre commentaire, ça fait toujours plaisir! En ce qui concerne vos observations, c'est hélas une constante dans l'aménagement cyclable au Québec : dans la planification urbaine et l'aménagement, les vélos ne sont finalement considérés que comme des "invités", visiteurs de passage qui ne méritent pas qu'on s'y attarde beaucoup. On install des stops et des feux rouges, des signalisations contradictoires s'il le faut, mais dans tous les cas on s'assure que le cycliste soit toujours en tort. Un automobiliste passe sur une rouge et frappe le cycliste qui passait sur la verte? Ah, mais le panneau indiquait au cycliste qu'il devait passer sur le feu piétonnier, donc c'est sa faute!

Au final, on installe un stop tous les 10 mètres sur des croisements déserts "pour la sécurité des cyclistes" et on s'étonne et se scandalise par après que des cyclistes osent ne pas mettre pied à terre à chacun d'eau...

4. Le mercredi, juin 7 2017, 21:10 par veloboulo

y'a qd même de l'espoir dans ma belle ville. Il a été oser d'enlever, oh mon dieu, un voie sur le pont qui mène au quartier universitaire pour faire deux bandes cyclables unidirectionnelles. Projet pilote en 2017. on verra pour la suite !
Mon petit rêve 2017-18 sera d'avoir un premier sas à velo là où la ville a fait une bande cyclable à la sortie d'un des grands parcs de la ville mais aussi où plusieurs vehicules sortant eux aussi du parc tournent à droite. ça sent l'accrochage les beaux samedis et dimanches d'été vu le sentiment de securité apporter par la bande cyclable.

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