Les aménagements dangereux : cohabitation vélos/piétons
Par Le zoïle à pédales le samedi, mai 30 2015, 22:00 - Situations dangereuses - Lien permanent
Sur ce blog, il est souvent question des conflits qui se produisent entre cyclistes et automobilistes. Ça ne veut pas pour autant dire que je me désintéresse des autres catégories d'usagers, en particulier les piétons. Ceux-ci sont souvent négligés lors de la conception d'infrastructures cyclables, généralement sous prétexte que la cohabitation cycliste/piéton se fait naturellement
, sans avoir à s'en préoccuper. Comme beaucoup me le diront, rien n'est plus faux : s'il est vrai qu'un cycliste est manifestement moins dangereux pour un piéton qu'une automobile, la différence entre les vitesses des marcheurs et des vélos reste très importante : un cycliste roulant à une vitesse très raisonnable de 25 km/h va au moins 5 fois plus vite qu'un piéton... Ce billet se penche sur certains aménagements piétonniers visiblement déficients le long des pistes cyclables de la région.
Quelques remarques préliminaires
En guise de préambule, j'aimerais discuter d'un argument souvent utilisé pour rejeter sans trop d'efforts la faute sur les cyclistes : le concept de la prudence à outrance. J'en parle régulièrement dans mes billets sur les aménagements dangereux, mais cela s'applique particulièrement à cet article. Un argumentaire de ce type est généralement aussi limpide qu'insignifiant et se base sur un postulat de départ difficile à prendre en défaut : un objet immobile risque peu de frapper quelqu'un. Par conséquent, si un accident se produit, c'est parce que celui qui était en mouvement est responsable et coupable. On peut appliquer ce raisonnement à l'envi, dans à peu près toutes les situations. Par exemple, si un cycliste frappe un enfant parce que des urbanistes ont décidé que de faire passer un lien cyclable utilitaire principal en plein milieu d'un parc pour enfants était une bonne idée, ces gens vous diront que c'est forcément la faute du cycliste. S'il roulait à 25 km/h (grand fou), il aurait pu aller moins vite! S'il roulait à 15 km/h, c'est qu'il allait quand même trop vite, puisqu'il a frappé l'enfant! S'il roulait à la vitesse d'un marcheur, les mains sur les freins, et qu'il a néanmoins frappé l'enfant parce que ce dernier est apparu subitement devant lui en sortant d'un endroit où le cycliste ne pouvait pas le voir, c'est quand même la faute du cycliste : il aurait pu s'arrêter en prévision d'un tel événement! Et s'il était arrêté et que l'enfant a foncé dans son vélo parce qu'il courait sans regarder, c'est probablement encore de la faute du cycliste; après tout, que faisait-il là, aussi, au beau milieu d'un parc avec sa machine de mort?
Il reste que, de manière générale, rester immobile est irréfutablement un moyen extrêmement efficace d'éviter les accidents. L'immobilité a malencontreusement le fâcheux défaut d'être quelque peu antinomique au concept de déplacement. C'est la raison pour laquelle, au fil du temps, nous avons développé des lois et règlements, ainsi que des infrastructures routières, puis cyclables : pour offrir des environnements en grande partie contrôlés et où il est possible pour l'usager d'assumer certains éléments, ce qui confère au final une certaine efficacité au transport.
Bien entendu, cela n'enlève pas aux usagers l'obligation d'être attentif et prudent, mais balise simplement ce que l'on peut considérer comme de la prudence "acceptable". Par exemple, si, sur une route nationale, un panneau indique un léger virage à gauche, alors qu'en réalité il s'agit d'un fort virage à droite, est-ce qu'un conducteur ayant causé un accident devrait être considéré comme imprudent? Je ne pense pas que beaucoup de gens soutiendraient cette thèse et pourtant, avec le même argumentaire sophistique que l'on sert souvent aux cyclistes, c'est tout à fait possible : je n'ai qu'à dire que puisqu'il a raté le virage, c'est que cet automobiliste connaissait vraisemblablement mal la route. Par conséquent, la prudence et le gros bon sens lui imposaient de rouler à une vitesse inférieure (disons 40 km/h) qui lui aurait permis d'anticiper une telle erreur de signalisation.
Voyez-vous à quel point ce genre d'argumentaire semble absurde, lorsqu'il est appliqué aux automobiles? On peut d'ailleurs l'appliquer à des cas moins extrêmes. Par exemple, supposons un automobiliste qui roule à 20 km/h dans une rue résidentielle et qui frappe un enfant qui sortait d'une entrée de garage : combien vont blâmer l'automobiliste dans ce genre d'accident? Fort peu, et ça n'a rien de scandaleux. L'automobiliste respectait toutes les règles en vigueur (il allait même moins vite que le maximum autorisé) et l'accident est donc considéré comme un événement triste, mais difficilement évitable. Verra-t-on vraiment quelqu'un soutenir que l'automobiliste est un dangereux délinquant, qui aurait dû s'immobiliser à chaque entrée de garage et à chaque obstacle pouvant potentiellement cacher un enfant? Bien sûr que non. Pourquoi donc n'applique-t-on pas le même raisonnement aux cyclistes?
Tout ça pour dire que les cas présentés dans ce billet peuvent tous être "résolus" par l'immobilisation des cyclistes, mais que ce genre de solutions n'a tout simplement pas lieu d'être. Le problème dans ces situations, ce n'est pas qu'un cycliste roule à 15 km/h, c'est que les aménagements soient tellement mal conçus que même cette faible vitesse devienne potentiellement dangereuse...
Promenade Samuel-de-Champlain
La promenade Samuel-de-Champlain est, à bien des égards, un bon exemple d'aménagement où le style l'a emporté sur le pragmatisme. On ne parle pourtant pas d'une petite piste faiblement utilisée : en 2010, Vélo-Québec rapportait une moyenne de plus de 2000 cyclistes par jour pendant l'été, dont une journée ayant vu passer 4300 cyclistes. De même, la promenade est très appréciée des marcheurs (bien que là-dessus je n'aie pas de chiffres exacts), et ces statistiques n'incluent pas les patins à roues alignées, qui sont aussi très présents pendant la belle saison. Bref, on parle d'une piste des plus achalandées.
Compte tenu de tout cela, on serait en droit de s'attendre à ce la cohabitation cyclistes/piétons ait été réfléchie un minimum. Il semble que non, malheureusement. Tout n'est pas à jeter, certes, mais on y retrouve des aménagements complètement fantasques.
Les abris (ou, comme je préfère les appeler, les boîtes à surprises)
La section de la promenade entre la Côte de Sillery et le quai des Cageux n'est pas très boisée, rien d'étonnant jusque là. Afin d'offrir un peu d'ombre aux usagers de la promenade, des abris ont été aménagés. Encore une fois, rien à redire sur cette idée. Le problème, c'est que ces abris, complètement opaques au demeurant, ont été placés ridiculement proche de la piste cyclable :
Dans l'absolu, je veux bien admettre que les cyclistes ont leur part de responsabilité dans la prévention des accidents, mais là c'est quand même exagéré. La distance séparant l'abri (où un cycliste approchant ne peut pas voir une personne) et la piste cyclable est de moins d'une enjambée : c'est dire qu'en un pas, un piéton peut se retrouver sur la piste cyclable. Même en passant à 20 km/h, ce qu'on ne peut décemment qualifier de vitesse excessive, il est impossible de s'arrêter avec un temps de réaction si court. Et encore, je ne parle pas des enfants ou des joggeurs qui vont quant à eux encore plus vite...
Que je sois bien clair : je ne blâme pas les piétons ici, mais l'aménagement qui n'a absolument aucun sens et qui fait en sorte qu'un accident peut se produire même avec un piéton et un cycliste tous deux prudents.
Le partage du trottoir
Plus près du Vieux-Port (je sais, ce n'est plus formellement la Promenade Samuel-de-Champlain, mais bon, on ne va pas tergiverser pour si peu), un autre problème apparaît : l'espace disponible. Sur une partie du trajet, les piétons ont leur propre sentier, à l'écart de la piste cyclable, et c'est parfait. Cependant, lorsque l'on approche du Petit-Champlain, l'espace se restreint. D'abord, le sentier piétonnier disparait et force les piétons à passer directement sur la piste cyclable :
Ce n'est pas l'idéal, loin de là, mais ça passe encore. Par contre, un peu plus loin, on arrive aux quais de la Garde Cotière, et là ça devient pas mal plus "amusant". Entre la falaise, le boulevard, les quais et les installations portuaires, l'espace disponible se restreint encore. Devant ce problème et sachant que le Boul. Champlain devait de toute façon être refait, les urbanistes ont opté pour une solution ingénieuse : ils n'ont strictement rien changé à la piste cyclable et ont ajouté de jolis dessins pour illustrer le "partage" de la piste entre cyclistes, piétons et patins à roues alignées. Ah oui, et ils se sont aussi visiblement dit que ça serait bien d'empiéter sur le peu d'espace disponible en y ajoutant des lampadaires. Au final, on se retrouve avec une piste de moins d'un mètre de large en sens ouest, frôlant les lampadaires à tous les 15 mètres. Les piétons marchent là-dedans comme ils peuvent...
Résultat : personne n'est content. Les cyclistes n'ont plus d'espace pour passer et les marcheurs ne se sentent pas en sécurité. Aurait-il été possible de faire mieux? Bien sûr. En particulier, observez la signalisation routière: le Boul. Champlain se rétrécit et passe de deux à une voie. Opérer cette réduction des voies 400 mètres avant afin de laisser de la place à la piste cyclable aurait-il vraiment été si problématique et dommageable pour la circulation automobile? J'en doute fort. Chose certaine, ça aurait permis d'aménager une piste cyclable et un trottoir bien plus spacieux. Par ailleurs, même sans changer l'aménagement routier actuel, n'aurait-il pas été possible d'éviter d'empiéter encore plus sur la piste cyclable en installant l'éclairage autrement? Ç’aurait pu par exemple être des lampadaires plus hauts (qui auraient permis de n'en installer que d'un côté du boulevard), ou alors des modèles similaires à ceux existants, mais simplement intégrés à la clôture que l'on voit à droite. Bref, ce ne sont pas les solutions potentielles qui manquaient : juste la volonté de ne pas faire n'importe quoi...
Mise à jour (2015/08/30) : cette histoire n'est malheureusement pas terminée. Jugeant visiblement que les usagers de la piste cyclable avaient bien trop d'espace, certaines personnes ont décidé qu'il serait tout à fait opportun de réduire encore plus l'espace disponible en ajoutant de gros cônes au beau milieu de la piste, si bien qu'à certains endroits, un vélo le moindrement large (par exemple avec une remorque pour enfants) passe carrément difficilement :
Il y a trois choses à remarquer à propos de cette signalisation. Premièrement, il aurait été aisément possible de faire passer le même message d'une manière encombrant bien moins la piste cyclable -- il aurait suffit, par exemple, d'accrocher les panneaux d'information en hauteur sur les lampadaires bordant la piste. Deuxièmement, cette signalisation est carrément sans objet pendant les fins de semaines et périodes de vacances, puisqu'elle avertit simplement d'une traverse de camions plus loin sur la piste. Or, il appert que ces moments sont aussi ceux où la piste est la plus achalandée (ce n'est pas bien difficile à prédire...). Considérant que cela affecte des milliers de cyclistes et de piétons, retirer un faramineux total de quatre cônes avant de partir en congé aurait-il vraiment été si impensable? Visiblement oui parce que, comme d'habitude, on s'en fiche.
Mais surtout, il y a un troisième élément qui peut sembler bénin, mais qui est symptomatique de cette déplorable attitude d'indifférence envers les cyclistes. Regardez les deux photos de plus près. Remarquez-vous que les cônes sont placés aux endroits les plus étroits? Dans le premier cas, le cône est aligné avec le lampadaire, ce qui retire près d'un mètre aux cyclistes et piétons pour le contourner. Dans le second cas, le cône est placé juste après la fin d'une terrasse élargissant un peu la piste, qui aurait encore une fois permis de le contourner plus aisément. Une simple analyse visuelle montre qu'il aurait suffit de déplacer ces cônes de 10 pieds pour éviter ces situations.
Soyons clairs : je ne soutiens nullement l'existence d'un complot envers les cyclistes, pas plus que je ne suppute de sombres machinations savamment orchestrées pour leur rendre la vie impossible. Non, tout ce que ça montre, c'est encore une fois à quel point personne ne se met à la place des cyclistes avant de faire quoi que ce soit les concernant. C'est tristement ironique, puisque qu'après, on s'interroge sur les raisons qui font que les cyclistes ne se sentent pas pris en compte par les autorités. Nos élus se perdent en savantes conjectures sur le sujet, alors que la solution est simple : arrêtez de vous ficher des cyclistes et de les forcer à faire n'importe quoi parce que personne n'a voulu prendre le temps de réfléchir. Il y a bien des normes sur la signalisation routière, des consignes à suivre lorsqu'il s'agit d'annoncer travaux et détours sur une route nationale ou une autoroute? Pourquoi est-il si impensable qu'il y ait la même chose pour les infrastructures cyclables, au moins pour les cas les plus basiques?
Parc Cartier-Brébeuf
Un autre bon exemple d'aménagement du type "c'est joli, mais ça n'a aucun sens" nous est donné par le Parc Cartier-Brébeuf, dans le quartier Limoilou. Ce parc fait partie du Parc linéaire de la rivière St-Charles (un sentier piétonnier) ainsi que du Corridor de la St-Charles (une piste cyclable). À ce moment, on se dit : bon, il n'y a pas vraiment de route ou de structure à contourner et le Parc Cartier-Brébeuf a été entièrement refait lors du retrait des berges bétonnées de la St-Charles, il y a quelques années. Il n'y a aucune raison pour que l'aménagement ne soit pas excellent! Grave erreur...
D'abord, notons les bons points : un sentier piétonnier distinct de la piste cyclable est présent. C'est tout. L'énumération des bons points s'arrête en effet (déjà) ici. Par contre, des éléments absurdes, ça il y en a! Parmi ceux-ci, le premier qui frappe l'esprit est probablement le nombre de croisements entre la piste cyclable et le sentier piétonnier. Que ces derniers se croisent éventuellement n'est pas un problème, mais dans ce parc, il y a, sur une distance de 400 mètres, pas un, pas deux, mais cinq croisements entre la piste cyclable et le sentier piétonnier. CINQ!
Source de la carte : Société de la rivière St-Charles (les X correspondant aux croisements ont été ajoutés)
C'était un concours ou quoi? Les plans de cet aménagement auraient-ils été confondus avec ceux d'une piste de Super 8? Vraiment, je ne comprends pas, d'autant plus que, je le rappelle, les deux sentiers vont et viennent des mêmes endroits. Faire des sentiers parallèles était-il vraiment si difficile?
Serait-il possible de faire pire? Il s'avère que oui, puisqu'en plus d'être nombreux, ces croisements sont souvent sans visibilité :
En gros, si vous n'avez pas le don de divination, vous ne pouvez même pas savoir si un cycliste approche, et, inversement, un cycliste n'a aucun moyen de savoir s'il va soudain se retrouver face à face avec un piéton traversant nerveusement sa piste pour la 4e fois. Tenez, quelques autres exemples de ces traverses sans visibilité :
Je tiens à rappeler par ailleurs que tout ça est purement une question d'aménagement : il y a amplement d'espace pour faire passer à la fois cyclistes et piétons dans des sentiers séparés, il aurait simplement fallu réfléchir un peu plus lors de la construction de ce cirque...
Descente de la Pente Douce
J'ai déjà parlé du lien cyclable Marie-de-l'Incarnation/Pente-Douce dans un article détaillé. Je ne vais pas revenir sur ce qui a été dit, mais j'aimerais ajouter quelques considérations sur la cohabitation piétons/cyclistes. Du côté de la montée, on retrouve certes de grandes défaillances, mais à tout le moins la distinction route/piste cyclable/trottoir est bien faite :
La piste cyclable est peinte en bleu et délimitée par des poteaux indicateurs. Le trottoir est distinct et suffisamment large. Bref, sur ce point en particulier, je n'ai pas grand-chose à redire. Le problème, c'est la descente. Voici de quoi a l'air cette dernière :
Comme on peut le voir, la piste cyclable quitte la rue pour venir border le trottoir, sans délimitation autre que la couleur. En plus de forcer les cyclistes à passer deux bosses (une à l'entrée du trottoir, une à sa sortie, plus bas dans la côte), ce genre d'aménagement n'opère quasiment aucune distinction entre les cyclistes et les piétons. Je rappelle que cette piste est située dans une longue pente descendante et rectiligne : sans même pédaler, on y atteint facilement 30-35 km/h. Vous vous doutez du résultat : il suffit qu'un piéton empiète par inadvertance dans la piste cyclable pour forcer le cycliste à freiner rapidement, ou à le contourner par le trottoir...
Je le disais en introduction du billet : on peut "résoudre" ce problème en forçant les cyclistes à descendre à 10 km/h. Mais c'est profondément idiot. Imaginez la même situation avec les automobiles : un espace piétonnier mal séparé des voies routières. Dirait-on vraiment que le problème provient du fait que les automobilistes ne veulent pas ralentir? Bien sûr que non... Pourquoi dans ce cas-ci s'en fiche-t-on, alors? Encore une fois, on ne parle pas d'une piste cyclable vaguement utilisée par 2-3 hurluberlus, mais du lien Basse-Ville/Haute-Ville le plus emprunté, avec plus de 1600 cyclistes par jour!
Passage sous le pont des Capucins
La construction de l'autoroute Dufferin-Montmorency ainsi que de divers édifices (dont celui de la SAAQ) a remodelé le tracé des rues à l'entrée du Vieux-Port de Québec :
Comme on peut le voir sur la carte (source : OpenStreetMaps), il n'y a pas beaucoup d'options pour un cycliste voulant se rendre au Vieux-Port à partir de la Basse-Ville (Limoilou, St-Roch, St-Sauveur, Beauport, Charlesbourg, etc.) : l'autoroute est bien entendu hors de question, le pont-tunnel Joseph-Samson leur est interdit, le Boul. Charest est bien trop passant pour être sécuritaire et sinon il faut passer par la Haute-Ville. Il ne me sera donc pas très difficile de vous convaincre de l'importance de l'unique lien cyclable accédant au Vieux-Port. Ce dernier, situé dans la prolongation de la piste de la rivière St-Charles, passe sous le dernier point routier de la St-Charles ainsi que le pont ferroviaire menant à la Gare du Palais. Pour les mêmes raisons que celles évoquées plus haut, ce passage est aussi apprécié des piétons. Mais au fait, comment se présente-t-il, ce passage? Comme une aberration sans nom, et c'est un euphémisme. C'est, en gros, un tunnel bas (2 mètres), étroit (à peine 1 mètre de largeur pour chaque voie), sans visibilité et possédant un embranchement en plein milieu avec encore moins de visibilité. Et c'est là-dedans qu'on dit aux cyclistes, aux piétons, aux patineurs à roues alignées et aux autres usagers de partager la piste? Mais c'est complètement marteau! Regardez à quoi ça ressemble, c'est un cirque, et je pèse mes mots :
En gros, les piétons espèrent qu'un cycliste jusque là impossible à voir ne débouchera pas à 2 mètres d'eux, les cyclistes espèrent que les piétons ne changeront pas trop de direction et ne traverseront pas la piste en espérant trouver un espace plus calme dans l'autre voie (petit conseil en passant : ce ne sera pas le cas), et les patins à roues alignées espèrent ne pas avoir à s'arrêter trop rapidement parce qu'ils ne peuvent pas... Vraiment, ce tunnel est tout simplement un danger public de par sa seule existence, et qu'une telle chose existe encore sur un parcours cyclable et piétonnier des plus achalandés est une profonde aberration.
Pour finir, la belle courbe cachant la vue du tunnel, côté Vieux-Port...
Vélo-Boulevard, passage vers collège de Bellevue
J'ai déjà glissé un mot sur ce problème dans l'étude de cas sur l'axe Père-Marquette, mais j'aimerais y revenir, en apportant une statistique intéressante : sur les 5.6 km qui composent ce Vélo Boulevard entre la rue de Claire-Fontaine (Grand Théâtre) et la rue Myrand (aux abords du campus de l'Université Laval), on retrouve 360 mètres de piste cyclable hors route, soit 6% de la distance totale. Aurait-ce vraiment été trop demandé de réfléchir lors de l'aménagement de ces petites sections de l'axe cyclable? En plus des problèmes d'aménagement déjà relevés ici et là, le passage de la rue Eymard vers les terrains du Collège de Bellevue est symptomatique de la désinvolture avec laquelle est abordée la cohabitation piétons/cyclistes.
Sur le même calque que les autres situations, on regroupe tout un ensemble de tares et défauts qui crèvent les yeux. Faisons en ici l'énumération :
- Une voie étroite partagée entre piétons et cyclistes, sans éclairage la nuit et entourée de clôtures opaques :
- Une visibilité nulle pour les cyclistes : dans la photo vue plus haut, les cyclistes arrivent de la gauche et tournent dans le passage. Leur vue est ainsi obstruée par la barrière située à gauche du passage. De l'autre côté, ce n'est guère mieux, la piste présentant une courbe raide juste avant le passage :
- Un sentier de marche (qui part vers la gauche dans la photo suivante, ou à droite dans la photo précédente) qui force les piétons à traverser la piste inutilement :
- On met tout ça ensemble, et ça donne des cyclistes et piétons qui essaient tant bien que mal de cohabiter :
Alors que, je le rappelle, on parle d'un accès à un parc pour enfants et de l'axe cyclable principal de la Haute-Ville!
Conclusion
Toutes les situations présentées plus haut évoquent le même phénomène : un désintéressement complet de la part des instances concernées. Pire encore, dans ces situations, si un accident survient, beaucoup seront prompts à blâmer le cycliste qui "aurait dû ralentir", "aurait dû s'arrêter", "aurait dû être prudent" (ajouter ici toute la liste des réquisitoires du même acabit), alors que, fondamentalement, il s'agit du problème d'aménagement. Le fait que beaucoup de ces installations aient été construites ou rénovées récemment est en ce sens extrêmement préoccupant, puisque cela révèle qu'aucune prise de conscience ne s'est opérée chez les responsables de tels aménagements.
Bien sûr, la sécurité est la responsabilité de tous, et je ne pardonne ni aux cyclistes roulant à tombeau ouvert dans ce genre d'endroits alors qu'il y a des piétons (qui n'ont absolument rien fait pour mériter ça), ni aux piétons se fichant complètement des cyclistes et marchent à quatre de large en zigzagant sur la piste. Cependant, au-delà de cette minorité de délinquants réels, on retrouve des milliers des personnes qui voudraient juste se déplacer sans risquer l'accident à chaque fois et ces aménagements problématiques nuisent grandement à leur sécurité, tout comme une bande cyclable zigzagant entre les deux côtés d'une route passante serait vue comme une aberration pour la sécurité des cyclistes et des automobilistes.
Lorsque l'on conçoit des axes de déplacement destinés à plusieurs catégories d'usagers (que ce soit cyclistes/automobilistes ou piétons/cyclistes), on ne peut pas se contenter de tout caser au même endroit et de s'en laver les mains sous prétexte que les usagers "se débrouilleront". Non, il faut réfléchir, se poser les bonnes questions, tenir compte des facteurs de visibilité, d'espace disponible, de trafic et de contraintes physiques avant d'en arriver à une solution. Cette réflexion n'est malheureusement opérée que trop rarement. Chose certaine, ce n'est certainement pas cela qui va améliorer le climat entre les usagers de la route et des pistes cyclables...
Commentaires
Le passage sous le pont des Capucins est en effet dangereux! À vélo, j'ai chuté récemment à cet endroit, ne pouvant éviter un cycliste ambivalent, qui a finalement pris l'embranchement «du milieu» sans signaler son intention... L'étroitesse du passage m'a obligé à le dépasser par la gauche à l'instant où il se décida à prendre l'embranchement à gauche... et faire un arrêt complet à cet endroit aurait possiblement engendré des collisions en série... C'est navrant que ce soit la seule alternative aux routes achalandées du secteur!
Il y a déjà eu un accident grave entre un cycliste et un piéton qui sortait d'une "boîte à surprise" le long de la promenade Samuel de Champlain. J'ai fait des recherches sur le net pour confirmer la chose, mais sans succès (pour le moment).
@Jean
Je ne doute pas une seule seconde qu'il y ait déjà eu des (oui, je le mets au pluriel) accidents dus à ces aménagements inadéquats. Je n'ai pas non plus rien trouvé de précis à ce sujet, mais, pour passer régulièrement à cet endroit, le danger est une évidence, surtout pour les cyclistes et patineurs circulant en direction est (qui passent donc au plus près des abris).
Ce qui est rageant avec ces aménagements, c'est que ce n'est pas l'espace qui manquait : il y avait amplement de place pour les mettre ailleurs. Mais bon, pourquoi réfléchir quand on peut juste faire n'importe quoi et que ça passe comme du beurre...
Aujourd'hui mon fils de 7ans a passé proche d'être écrasé par une vélo qui roulé à grand vitesse sur la piste cyclable de boulevard Champlain. Il joué dans le secteur avec le brouillard et il ne c'est pas rendu compte qu'il approché la piste vélo. Ce n'est pas la première fois quand je suis témoin à cet type des évènements dans la section des jeux d'eau. il faut que la ville prend conscience de danger qui existe dans cette zone. Q'ils install des limitateurs de vitesse ou des barrières pour les piétons! Il faut avoir une tragédie pour faire quelque chose?
@Maurice R
Vous avez tout à fait raison. D'ailleurs, ne nous voilons pas la face : il y a un effort à faire du côté des cyclistes également. Rouler à grande vitesse dans cette zone de la promenade Samuel-de-Champlain, par un dimanche ensoleillé de fin juin, est tout simplement irresponsable. Tout comme les mauvais aménagements routiers ne justifient pas les chauffards, les mauvais aménagements cyclables ne justifient pas les cyclistes imprudents.
À la base, si vous voulez mon avis, les cyclistes sportifs qui veulent faire de la vitesse -- ce qui est en soit tout à fait légitime -- ne devraient pas être sur la piste cyclable, mais bien sur le boulevard champlain pendant les beaux jours d'été. Bien sûr, à 6h du matin un jour de semaine, quand il n'y a personne, il n'y a pas de problème, mais pendant les beaux après-midi d'été, ce n'est tout simplement pas la place.
Ceci étant dit, le problème avec les aménagements actuels est que, comme je le décris dans cet article, même un cycliste prudent et responsable peut très bien faire un accident. Les jeux d'eau sont un excellent exemple que je n'ai pas abordé dans cet article. Pour faire joli, on a décidé d'ajouter autour des petits vallons et des murets qui descendent jusqu'à la piste cyclable. C'est très joli, certes, mais ça empêche également les cyclistes de voir les petits enfants avant le tout dernier moment. J'ai déjà failli frapper un enfant alors que je roulais à moins de 15 km/h (je suivais un joggeur) et que j'étais très attentif (je connais bien l'endroit).
Autant faire de la vitesse à cet endroit est inacceptable lorsque des familles sont présentes, autant il est à mon sens inconcevable qu'un cycliste attentif et roulant à 12 km/h puisse quand même se retrouver dans un accident.
Le plus triste dans cette histoire, c'est que ce n'est pas comme si la piste serpentait dans une forêt dense, où la visibilité est à la base très faible. Non, ici la visibilité étaient excellente, jusqu'à qu'ils décident "d'aménager" la piste...