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Quintessence de la délinquance : une comparaison automobilistes - cyclistes

Il est de bon ton aujourd'hui de parler de la “délinquance cycliste”, particulièrement chez les chroniqueurs et animateurs à la langue un peu trop bien pendue. Les cyclistes seraient ainsi une classe à part ne respectant rien, au contraire des vertueux automobilistes (généralement, on inclut ici les mots “bon père de famille qui travaille pour nourrir ses enfants”, histoire de bien montrer que les cyclistes ne sont que des parasites troublant la quiétude de la majorité travaillante).

Qu'en est-il au fond? Il y a deux manières d'aborder la question. La première se résume par la maxime dura lex sed lex; ici, on recherche une application stricte du Code de la sécurité routière (CSR). La seconde, au contraire, vise à considérer l'esprit du CSR plutôt que sa lettre, sachant que le but de celui-ci est au fond que tout le monde puisse utiliser le réseau routier sans y risquer sa vie. De ce point de vue, une incartade peut être parfaitement bénigne si elle ne met personne en danger. Selon chacun de ces points de vue, qui doit porter le bonnet d'âne?

Petite vidéo introductive

Voici une vidéo capturée en mai 2018. Elle n'a rien de particulier et présente simplement le trajet d'un cycliste sur quelques centaines de mètres. Observez-la attentivement : quelque chose vous frappe-t-il?

En effet, cette vidéo est une preuve claire que les cyclistes ne respectent rien. Observez aux alentours de 1:00, le cycliste ne fait clairement pas son arrêt obligatoire. Quelle ignominie! Quel irrespect pour les pauvres automobilistes qui se donnent la peine de le respecter à la lettre!

Sauf que... justement, dans cette vidéo, on peut également repérer six infractions claires commises par les automobilistes. Dans l'ordre :

  • 0:15 : le virage à droite est interdit en tout temps à cette intersection (oui, des deux côtés). De plus, l'automobiliste ne fait pas un arrêt complet avant de tourner.
  • 0:33 : l'automobiliste passe clairement sur un feu rouge. C'était déjà limite pour le véhicule le précédant (0:31), le feu étant jaune depuis plus de 3 secondes, mais la seconde automobile est quant à elle clairement en tort.
  • 0:59 : l'automobiliste ne fait clairement pas son arrêt complet.
  • 1:08 : même chose, le véhicule a tout au plus ralenti à 20-25 km/h, soit la vitesse... d'un cycliste.
  • 1:13 : encore une fois, pas d'arrêt complet.
  • 1:15 : l'automobiliste accélère carrément en passant le stop.
  • et, comme je l'ai précisé, je ne compte pas ici les infractions difficiles à caractériser, tels que les excès de vitesse (la vitesse étant limité à 50 km/h sur Eugène-Lamontagne, la première artère croisée, je doute que tous les véhicules respectaient cette limite)

Bref, voilà tout le problème, que je vais exposer en long et en large dans ce billet. Les cyclistes ne sont pas des saints, mais il y a une perpétuelle hypocrisie derrière ces accusations de délinquance généralisée. Un cycliste qui, tel celui de la vidéo, passe sur un arrêt qu'il sait désert n'est pas un danger, bien qu'il contrevienne effectivement au CSR. On peut néanmoins lui reprocher de violer la loi, mais il faut dans ce cas s'ouvrir les yeux et observer aussi le comportement des autres usagers de la route.

Point de vue législatif : une comparaison en 20 points

Il est donc clair que l'écrasante majorité des cyclistes ne respectent pas de façon stricte le CSR, difficile de prétendre le contraire. D'aucuns prônent ainsi une application rigoureuse et coercitive du CSR aux cyclistes, afin de les “responsabiliser”. Ce que la plupart des gens semblent ignorer (à dessein ou non, ceci est une autre question) avant de qualifier les cyclistes de criminels à contrôler est que l'écrasante majorité des automobilistes ne respectent pas non plus le CSR, tout cela sous l’œil bienveillant des policiers. Histoire de démontrer cela clairement, voici une liste des infractions commises quotidiennement par à peu près tous les automobilistes. J'en ai sélectionné 20 parmi les plus évidentes, mais je suis loin de prétendre à l'exhaustivité.

1) Les limites de vitesse

La limite de vitesse est une limite stricte. Rouler à 60 km/h dans une zone de 50 km/h, où à 105 km/h sur une autoroute est une infraction. De plus, même si aucune limite de vitesse n'est explicitement imposée, une limite par défaut s'applique, par exemple 50 km/h en zone urbaine (article 328). Contrairement à la croyance populaire, tout excès de vitesse est illégal : l'article 516 prévoit une amende pour un excès de 1 km/h. Aucune disposition n'est par ailleurs présente pour rendre légal ce que l'on appelle communément “suivre le trafic”. Peu importe la vitesse des autres usagers, dépasser la vitesse limite est illégal en tout temps, y compris pour effectuer un dépassement ou passer sur un feu jaune.

En pratique, pour un automobiliste qui roule en respectant la limite de vitesse, ça donne généralement ceci... On est loin d'un respect mur-à-mur du CSR.

Oh, et en passant, ne venez pas me dire que les automobilistes excèdent la limite de vitesse seulement quand ce n'est pas dangereux. Chaque année nous apporte des reportages comme celui-là et celui-ci...

Et si, malgré tout, vous n'êtes toujours pas convaincu, allez jeter un coup d'oeil à cette carte interactive. Tous les points rouges que vous voyez indiquent des endroits où les automobilistes ne respectent pas en moyenne la limite de vitesse présente. Cliquer sur un point vous permet également de consulter le 85e percentile de la vitesse relevée ainsi que la vitesse maximale relevée. La carte est loin d'être verte...

2) Les arrêts obligatoires

On entend souvent que les cyclistes ne respectent pas les arrêts obligatoires. Or, c'est aussi le cas de la plupart des automobilistes. L'article 368 précise bien que :

Le conducteur d'un véhicule routier ou d'une bicyclette qui fait face à un panneau d'arrêt doit immobiliser son véhicule.

La prochaine fois que vous passerez un arrêt obligatoire en automobile, posez-vous la question : ai-je bien réellement immobilisé mon véhicule avant de repartir? La réponse sera généralement non, particulièrement si l'intersection était libre. La suite de l'article présente une éloquente vidéo à ce sujet.

3) La priorité des autobus

En zone urbaine, les autobus ont priorité pour leur réinsertion dans le trafic. Cette priorité est matérialisée par un panneau de ce genre placé sur la vitre arrière du véhicule : priorite_autobus.png L'article 407 est très clair à ce sujet :

... le conducteur d'un véhicule routier doit céder le passage à un autobus dont le conducteur actionne les feux de changement de direction en vue de réintégrer la voie où il circulait avant de s'immobiliser.

Malgré tout, on voit très souvent des automobilistes dépasser un autobus en train de repartir, voire klaxonner l'autobus les forçant à ralentir, alors qu'il est en droit de le faire.

4) Les feux jaunes

Vous êtes de ceux qui croient que le feu jaune signifie que l'on peut encore passer? Rien n'est plus faux. L'article 361 spécifie que :

À moins d'une signalisation contraire, face à un feu jaune, le conducteur d'un véhicule routier ou d'une bicyclette doit immobiliser son véhicule avant le passage pour piétons ou la ligne d'arrêt ou, s'il n'y en a pas, avant la ligne latérale de la chaussée qu'il s'apprête à croiser, à moins qu'il n'y soit engagé ou en soit si près qu'il lui serait impossible d'immobiliser son véhicule sans danger. Il ne peut poursuivre sa route que lorsqu'un signal lui permettant d'avancer apparait.

Le passage au feu jaune est permis uniquement dans le cas où il est impossible de freiner sans danger – cette mesure s'applique principalement aux autobus et poids lourds, qui ne peuvent s'immobiliser sur une courte distance. Pour une automobile, cette situation est très rare; si vous accélérez pour passer un feu jaune, il est très probable que vous effectuiez une manœuvre illégale.

5) Les lignes d'arrêt

Vous croyez respecter les feux rouges? Voyons ce qu'en dit l'article 359 :

À moins d'une signalisation contraire, face à un feu rouge, le conducteur d'un véhicule routier ou d'une bicyclette doit immobiliser son véhicule avant le passage pour piétons ou la ligne d'arrêt.

Dans les faits, peu d'automobilistes respectent la ligne d'arrêt. Par exemple, ce conducteur ne respecte pas le feu rouge : IMG_20140821_184700.jpg En fait, il ne le respecte tellement pas qu'il est entièrement devant la ligne d'arrêt... Cet automobiliste ne respecte pas non plus la ligne d'arrêt (on peut voir celle-ci en dessous des roues arrière de la voiture) : IMG_20140818_091517.jpg On peut d'ailleurs noter que cela oblige le cycliste à contourner la voiture. Bref, la prochaine fois que vous serez immobilisé à un feu rouge, observez autour de vous et vérifiez si vous et les autres automobilistes respectez la ligne d'arrêt. Bien souvent, la réponse sera négative, ce qui est, rappelons-le, illégal.

6) Bloquer une intersection

La situation est classique : le feu est vert, mais la voie est bloquée. Une partie des automobilistes savent qu'il est interdit de s'engager dans l'intersection si cette action risque de la bloquer, et ce même si le feu est vert. L'article 366 stipule que :

Même si un feu de circulation le permet, le conducteur d'un véhicule routier ne peut s'engager dans une intersection quand le véhicule ne dispose pas à l'avant d'un espace suffisant pour ne pas bloquer l'intersection. Dans ce cas, le conducteur doit immobiliser son véhicule avant la ligne latérale de la chaussée qu'il s'apprête à croiser.

Ce qui est un peu moins connu est que cette règle s'applique aussi aux autres intersections, par exemple un croisement 100 mètres avant le feu de circulation en question. Très peu de gens respectent alors le CSR.

7) L'espace de dégagement minimal pour le stationnement

Tout le monde (ou presque) sait qu'on ne peut se stationner devant une borne-fontaine ou sur le coin d'une rue. Mais saviez-vous que vous deviez laisser 5 mètres (environ 18 pieds) libres de chaque côté d'une borne-fontaine ou d'un signal d'arrêt, tel que le précise l'article 386?

... nul ne peut immobiliser un véhicule routier aux endroits suivants: ... 2° à moins de 5 mètres d'une borne-fontaine et d'un signal d'arrêt ... 4° dans une intersection, sur un passage pour piétons clairement identifié et sur un passage à niveau ni à moins de 5 mètres de ceux-ci;

Par exemple, l'automobile stationnée suivante est nettement en situation illégale, puisqu'elle dépasse carrément le panneau d'arrêt : IMG_20150605_180939.jpg

En fait, cet article est si peu connu que même la ville de Montréal s'y fait prendre, puisqu'elle a installé des parcomètres à l'intérieur de cette limite de 5 mètres![1] Pire encore, l'application de cet article dans certain quartier (après des décennies de tolérance) a déclenchée une levée de boucliers de la part de certains citoyens qui se sont de plaints de se faire voler leur place, alors que, comme l'a très bien mentionné un conseiller municipal :

Vous n’aviez déjà pas de place. On ne retire rien, car légalement ce sont des places qui n’ont jamais existées. [2]

Pensez-y la prochaine fois que vous vous stationnerez ou que vous vous promènerez à pied dans les rues...

8) Les passages pour piétons

Les passages pour piétons, matérialisés par des marques jaunes sur la chaussée, indiquent la priorité de ces derniers sur les automobilistes, l'article 410 étant très clair à ce sujet :

Lorsqu'un piéton s'engage dans un passage pour piétons, le conducteur d'un véhicule routier doit immobiliser son véhicule et lui permettre de traverser.

Dans les faits, cette règle n'est que très rarement respectée – au Québec à tout le moins. Par exemple, voici un vidéo (qui n'est pas de mon cru, mais qui illustre bien le problème) montrant montre un piéton tentant de traverser à un passage piétonnier possédant des bandes d'un jaune absolument éclatant et clairement impossible à manquer. Bien évidemment, aucune automobile ne s'immobilise tel que la loi le requiert...

Notons que cette règle s'applique à tout passage dument identifié. Lorsqu'une route croise une piste cyclable, les marques jaunes indiquent la priorité des cyclistes qui veulent s'engager dans l'intersection. Ce fait est largement ignoré, y compris par des journalistes qui réalisent ainsi des reportages-chocs sur la “délinquance cycliste” sans comprendre que celle-ci s'accompagne d'un non-respect quasi intégral de l'article 410 par les automobilistes...

9) Le port de la ceinture de sécurité

Quand doit-on porter la ceinture de sécurité? À tout moment, lorsque le véhicule est en mouvement (article 396) :

Toute personne ... doit porter correctement la ceinture de sécurité dont est équipé le siège qu'elle occupe dans un véhicule routier en mouvement.

Vous savez quand vous décrochez cette ceinture parce que “vous êtes arrivé” ou que “vous allez bientôt descendre”? C'est illégal. En fait, pour être honnête, c'est légal si vous reculez, et, en vertu de l'article 395.1 et 396 alinéa 4, aux passagers d'un fourgon cellulaire. Si vous êtes dans ce dernier cas de figure, ça va, on vous pardonne...

Nonobstant ces cas limites, saviez-vous qu'en 2015, presque un demi-siècle après l'imposition du port de la ceinture de sécurité, il y a encore près du cinquième des victimes d'accidents d'automobile qui ne portaient pas leur ceinture (42 personnes en 2015, pour être précis)[3]? Selon un porte-parole de la SQ, au moins 50% des personnes auraient vu leur vie sauvée par le port de la ceinture, ce qui correspond à au moins 21 morts évitables. 21 morts de moins en un an, c'est incidemment plus que le nombre de cyclistes tués sur les routes par an pour toutes les années entre 2008 et 2013 (le nombre de cyclistes morts annuellement variant de 13 à 21)[4]... En 2014, plus de 43 000 contraventions ont été remises au Québec pour avoir omis de porter la ceinture; c'est donc très loin d'être une infraction négligeable, contrairement à ce que l'on pourrait croire[5].

10) Les petits raccourcis

Vous faites face à une intersection de ce genre : 1ereAv.png Tout va bien, mais bon, c'est fâcheux, la lumière vire au rouge et il est interdit d'effectuer un virage à droite au feu rouge. Pas de problème vous dites-vous, passons par le stationnement situé juste à droite, et hop! on vient de s'éviter le feu de circulation! Génial, sauf que c'est en fait illégal, tel que le stipule l'article 312 :

Nul ne peut circuler sur une propriété privée afin d'éviter de se conformer à une signalisation.



11) Le dépassement des cyclistes

Vous circulez en voiture et vous voyez devant vous un parasite urbain (aussi appelé “cycliste” par quelques bobos bien pensants). Saviez-vous que c'est à l'automobiliste de s'assurer qu'il peut effectuer le dépassement sans danger, et en particulier qu'il est interdit de faire ce dépassement dans la même voie que le cycliste, à moins que la largeur de la voie soit suffisante pour un vélo, une automobile et une distance de sécurité?

Le conducteur d'un véhicule routier ne peut dépasser une bicyclette à l'intérieur de la même voie de circulation que s'il y a un espace suffisant pour permettre le dépassement sans danger. (article 341)



12) Le franchissement d'une ligne jaune continue ou double

Hormis quelques cas très spécifiques (dont le dépassement de cyclistes), il est formellement interdit à un véhicule de franchir une ligne jaune continue :

Le conducteur d'un véhicule routier ne peut franchir aucune des lignes de démarcation de voie suivantes: 1° une ligne continue simple; 2° une ligne continue double; 3° une ligne double formée d'une ligne discontinue et d'une ligne continue située du côté de la voie où circule le véhicule routier. (article 326.1)

Aucune exception n'existe par ailleurs pour le franchissement d'une ligne continue si vous avez déjà commencé à dépasser alors que la ligne était pointillée; l'automobiliste voulant effectuer un dépassement doit d'abord s'assurer qu'il peut le faire dans la limite de la ligne pointillée. Par ailleurs, le CSR ne prévoit pas de distance minimale pour caractériser l'infraction : un seul centimètre de l'autre côté de la ligne jaune et c'est illégal. En pratique, ce genre de choses arrive tout le temps : IMG_20140903_082137.jpg

L'automobile grise ci-dessus est en infraction. L'automobile rouge qui la suit également : IMG_20140903_082141.jpg

Et je pourrais continuer comme ça un bon moment. En fait, je n'ai même pas pris ces photos pour illustrer cet article; à l'origine, elles étaient destinées à celui-ci pour montrer la circulation matinale importante sur un itinéraire cycliste... c'est dire si cette infraction est répandue.

13) Les feux jaunes clignotants

Nous avons parlé précédemment de la question des feux jaunes, mais qu'en est-il des feux jaunes clignotants? L'article 362 nous renseigne à ce sujet :

À moins d'une signalisation contraire, face à un feu jaune clignotant, le conducteur d'un véhicule routier ou d'une bicyclette doit diminuer la vitesse de son véhicule et doit, après avoir cédé le passage aux véhicules routiers, aux cyclistes et aux piétons déjà engagés dans l'intersection, poursuivre sa route.

Toutes les fois où vous voyez un feu jaune clignotant, vous devriez donc ralentir. Il suffit de se rendre aux abords d'une telle intersection pour constater que ce n'est, de manière générale, absolument pas le cas. En fait, la plupart des gens à qui j'ai parlé de cette règle n'avaient tout simplement jamais soupçonné son existence...

14) La distance entre les véhicules

Tout conducteur a déjà fait l'expérience d'un véhicule qui le suivait de beaucoup trop près et pesté contre son conducteur. Saviez-vous qu'en plus d'être discourtois, c'est illégal? L'article 335 le précise bien :

Le conducteur d'un véhicule routier qui en suit un autre doit le faire à une distance prudente et raisonnable en tenant compte de la vitesse, de la densité de la circulation, des conditions atmosphériques et de l'état de la chaussée.

Qui plus est, cette distance devrait être allongée l'hiver, la nuit, par temps de pluie, etc. La prochaine fois que vous roulerez sur une route principale, demandez-vous si l'espace que laissent les conducteurs autour de vous peut être considéré comme une distance prudente et raisonnable...

15) Le signal "Cédez"

Vous voulez entrer sur l'autoroute, mais la circulation est dense et, enfer et damnation, les conducteurs de la voie de droite ne vous laissent pas d'espace pour entrer, si bien que vous êtes obligé de forcer un peu le passage pour vous engager sur la route. Saviez-vous que ces conducteurs contre lesquels vous avez râlé étaient parfaitement dans leur droit et que c'est vous qui êtes en tort? Le panneau Cédez indique clairement que vous devez laisser la priorité aux véhicules arrivant sur la voie que vous rejoignez. Ils peuvent (et il est courtois de le faire) vous céder eux-mêmes le passage, mais n'en sont aucunement obligés.

De même, lorsque vous voulez vous engager sur une route via un Cédez et qu'un cycliste est présent sur cette route, vous devez lui laisser la priorité. Ce n'est pas une option, c'est la loi!

16) La priorité lors des virages

Vous êtes sur une avenue et souhaitez tourner dans une petite rue résidentielle. Malheur, des piétons ont l'audace de vouloir traverser cette même rue à ce moment. Ce sont eux qui ont priorité, selon l'article 349 :

Le conducteur d'un véhicule routier ou d'une bicyclette qui effectue un virage à une intersection doit céder le passage aux piétons et aux cyclistes qui traversent la chaussée qu'il s'apprête à emprunter.

Les automobilistes respectent rarement cette règle, s'attendant plutôt à ce que le piéton les voie et leur laisse la priorité.

17) Les clignotants

Vous vous dites qu'il est inutile d'actionner les clignotants à un carrefour désert? Vous avez tort, selon l'article 372 :

Le conducteur d'un véhicule routier qui s'apprête à effectuer un virage, à changer de voie de circulation, à faire demi-tour ou à réintégrer la chaussée en provenance de l'accotement ou d'une aire de stationnement doit signaler son intention à l'aide des feux de changement de direction.

Déjà que cette règle n'est pas toujours suivie dans les cas importants, le pourcentage d'automobiliste l'appliquant systématiquement est logiquement au ras des pâquerettes...

18) Stationnement et verrouillage

Vous stationnez votre véhicule pour une commission de 5 minutes, sans le verrouiller? Vous contrevenez directement à l'article 381, qui se lit ainsi :

Nul ne peut laisser sans surveillance un véhicule routier dont il a la garde sans avoir préalablement enlevé la clef de contact et verrouillé les portières. ... En outre des chemins publics, les articles 380 et 381 s'appliquent sur les chemins privés ouverts à la circulation publique des véhicules routiers ainsi que sur les terrains de centres commerciaux et autres terrains où le public est autorisé à circuler.



19) Virage à gauche

Tout virage à gauche doit se faire d'une manière particulière. En plus de devoir évidemment céder le passage aux véhicules arrivant en face, la trajectoire à suivre est également spécifiée dans le CSR (articles 352 à 358) :

Sur une chaussée à deux voies ou plus de circulation dans les deux sens, le conducteur d'un véhicule routier qui veut effectuer un virage à gauche à l'intersection d'une chaussée à deux voies ou plus de circulation dans les deux sens doit, après avoir signalé son intention et s'être assuré qu'il peut le faire sans danger, s'approcher de la ligne médiane de la chaussée sur laquelle il circule, continuer en ligne droite jusqu'à la ligne latérale de la chaussée sur laquelle il veut s'engager et effectuer le virage à gauche dès que la voie est libre, pour s'engager sur l'autre chaussée, à la droite et le plus près possible de la ligne médiane.

Pour tourner à gauche, il faut donc, dans l'ordre :

  1. Se placer à gauche de la route sur laquelle on circule
  2. Avancer en ligne droite jusqu'au croisement
  3. Attendre (à cet endroit) et effectuer le virage dès que la voie est libre
  4. Tourner en se plaçant le plus près possible à droite de la ligne centrale de la rue sur laquelle on vient de tourner

Cela signifie deux choses : premièrement, il est interdit de s'avancer dans l'intersection en attendant que les automobiles et vélos arrivant en face passent. Il est obligatoire de rester derrière la ligne latérale de la chaussée croisée, autrement dit, hors du croisement. Même si il y a beaucoup de gens derrière vous ou en face. Même si ça vous empêche de tourner sur le feu jaune (ce qui est de toute façon aussi interdit, voir le point #4). Deuxièmement, il est interdit de couper le virage. Prenez par exemple la situation suivante (désolé pour la mauvaise qualité, elle a été tirée de Google Earth, puisque je voulais une vue aérienne), au croisement du Chemin Ste-Foy et de la rue Sherbrooke : virage_gauche_satellite.jpg

La trajectoire à suivre selon le CSR est indiquée en vert. La trajectoire que suivent souvent les automobilistes (c'est d'ailleurs précisément le cas sur cette image) est accentuée en rouge. Cette façon de tourner va à l'encontre des éléments 2 et 4 de l'énumération précédente, et, par conséquent, est illégale.

20) Ouverture des portières

Terminons en beauté par un classique. L'article 430 se lit comme suit :

Nul ne peut ouvrir la portière d'un véhicule routier à moins que ce véhicule ne soit immobilisé et sans s'être assuré qu'il peut effectuer cette manœuvre sans danger.

Tout cycliste éclatera de rire à la lecture de cet article tant il semble absurde qu'une telle obligation soit présente dans la loi vu la propension de la quasi-totalité des automobilistes à ouvrir leur portière sans même jeter un coup d’œil en arrière.

À ces 20 exemples, on pourrait ajouter des infractions qui ne sont pas textuellement spécifiées dans le CSR, mais sont plutôt liées à des principes généraux. Le non-respect du virage à gauche des cyclistes en est un bon exemple. On peut aussi penser à des infractions telles que le cellulaire au volant : combien de personnes utilisent encore leur cellulaire au volant pour texter, malgré que ce soit interdit?

Le but de cette longue énumération n'est pas de déterminer qui est le plus en tort entre les cyclistes et les automobilistes, mais de faire remarquer aux animateurs solipsistes aux propos navrants qui parlent de “complaisance des policiers envers la délinquance des cyclistes” qu'il y a une complaisance au moins aussi forte envers les incartades des automobilistes. En fait, c'est probablement même pire, puisque certains comportements sont tellement entrés dans les mœurs qu'un policier qui arrêterait quelqu'un pour ces motifs deviendrait la risée de la province (vous voyez un policier arrêter quelqu'un à 55 km/h dans une zone de 50?).

Je ne prétends pas que toutes les infractions énumérées plus haut sont dangereuses, même si beaucoup le sont effectivement : par exemple, le non-respect des passages piétonniers ne cause pas plus de morts que parce que tout piéton sait très bien qu'il ne peut absolument pas se fier au fait qu'un automobiliste l'ayant vu s'arrête. Autre exemple : le non-respect de la distance de 5 mètres avant les panneaux d'arrêt ou les intersections. Voici une autre de ces infractions que l'on rencontre couramment : IMG_20150616_182135.jpg Une telle infraction (je pense que personne n'osera contester le caractère illégal de ce stationnement, l'automobile est à la limite plus près d'être à 5 mètres devant l'arrêt que derrière...) peut sembler bénigne et sans conséquences, mais il n'en est rien : un véhicule garé ainsi bloque la vue de tout le monde (cyclistes comme automobilistes). Comme on peut le voir sur la photo, le croisement offre déjà peu de visibilité à cause du mur très près de l'intersection : un tel véhicule stationné force les piétons à quitter la ligne du trottoir et les cyclistes et automobilistes à s'avancer exagérément pour avoir la chance de voir quelque chose, augmentant ainsi le risque d'accident.

Il y a également des cas encore plus clairs. Prenons ici un exemple simple : quelqu'un est-il prêt à affirmer ici que de dépasser un autobus scolaire aux feux d'arrêt allumés n'est pas dangereux? J'en doute. Après tout, il n'est pas anodin de constater qu'une telle manoeuvre soit parmi les plus pénalisées, entraînant pas moins de 9 points d'inaptitude. Donc nous devrions tous être d'accord ici sur le fait que le dépassement d'un autobus scolaire à l'arrêt n'est pas seulement illégal, mais aussi très dangereux. Et pourtant, attachez une caméra sur des autobus scolaires et que verrez-vous? Près de 30 000 infractions par jour au Québec seulement... On ne parle donc pas seulement d'une minorité extrême d'automobilistes, mais bien d'un comportement au final plus que répandu.

Dans tous les cas, la loi ne prévoit pas la légitimation d'infractions sous prétexte qu'elles ne sont pas dangereuses. Un cycliste qui passe à 10 km/h sur un arrêt obligatoire commet un acte illégal, mais cela ne signifie pas qu'il soit dangereux. Cette manœuvre constituant une infraction, je suis tout à fait ouvert à ce que l'on donne une contravention à ce cycliste. Seulement, si on commence à faire ça, la cohérence impose de faire de même pour les automobilistes sur tous les cas énumérés plus haut, ce qui risque de faire grincer pas mal de dents...

Point de vue rationnel

Après avoir lu la section précédente, certains pourront légitimement se demander si je ne vais pas chercher trop loin. Après tout, mordre de 5 cm dans la ligne d'arrêt (par exemple) ne cause de tort à personne et mettre cela sur le même pied que toute autre infraction peut paraitre quelque peu fallacieux – bien que valide en regard de la loi. À ces lecteurs, je réponds : soit. Analysons donc plutôt la dangerosité des situations.

Qu'est-ce qui fait la différence entre un accident sans gravité et une collision grave? Principalement, c'est l'énergie qui y est dissipée. Un piéton frappé par une automobile à 8 km/h risque peu de blessures graves, alors que la même automobile le frappant cette fois à 50 km/h causera beaucoup plus de dommages. Intéressons-nous donc à quantifier cette énergie. Pour cela, nous allons d'abord devoir faire un peu de physique mécanique. Rien de très compliqué, rassurez-vous. Lorsqu'un véhicule accélère, il accumule l'énergie produite par son moteur sous forme d'énergie cinétique. Plus la vitesse est grande, plus cette énergie l'est aussi. De même, plus la masse du véhicule est importante, plus son énergie cinétique est grande pour une même vitesse. Formellement, le calcul de l'énergie cinétique s'effectue avec la formule suivante : E = 0.5 * m * v²

Dans cette formule, E est l'énergie, m la masse du véhicule en kilogrammes et v sa vitesse en mètres par seconde. On remarque tout de suite l'exposant 2 appliqué sur la vitesse. Cela signifie que la vitesse et l'énergie ne sont pas linéairement proportionnelles : doubler la vitesse quadruple l'énergie du véhicule.

Bon, tout ce charabia est bien sympathique, mais qu'est-ce que ça implique au final? Tout simplement que la gravité des dommages causés et la distance de freinage augmentent plus rapidement que la vitesse. La SAAQ présente un exemple très éloquent à ce sujet, où on peut voir l'énorme différence que de rouler à 50 km/h plutôt qu'à 60 peut faire lors d'une collision. De plus, le champ de vision humain se réduit avec la vitesse, diminuant d'autant les chances de voir un élément dangereux à temps.

Histoire de mieux illustrer la différence entre un cycliste et une automobile, ajoutons quelques chiffres à l'argumentaire. Supposons un cycliste “moyen” pesant au total 90 kg ou 200 lbs (cycliste, vélo et bagages). Celui-ci circule à une vitesse de 25 km/h, ce qui correspond à un peu moins de 7 m/s. Supposons également un automobiliste moyen. Celui-ci conduit une petite voiture (disons une Toyota Corolla, dont le poids en comptant le conducteur, l'essence et quelques bagages est d'environ 1400 kg) et roule à une vitesse raisonnable de 55 km/h ou 15.2 m/s. Observons leur énergie respective, en utilisant la formule présentée plus haut. Pour le cycliste, l'énergie totale est de 2205 joules. Pour l'automobiliste, l'énergie est cette fois de 162000 joules. L'automobiliste possède donc une énergie – et donc un potentiel de dommages – près de 75 fois supérieure à celle du cycliste.

Une vitesse de 25 km/h est très représentative des cyclistes urbains, où le but n'est pas de s’entrainer, mais de se rendre dans le confort d'un endroit à l'autre. Toutefois, à l'intention des détracteurs qui jurent généralement avoir vu un cycliste rouler à “au moins 80 à l'heure” (hum...), procédons à une seconde comparaison. Le cycliste pèse maintenant 120 kg et roule à 50 km/h, ce qui commence à être très rapide (et lourd!) pour un cycliste. Son énergie est alors de 11500 joules, soit toujours 14 fois moindre que notre automobiliste raisonnable de tout à l'heure. Puisque nous avons utilisé un exemple extrême pour le cycliste, faisons de même pour l'automobiliste. Cette fois, celui-ci conduit un Ford F-250 d'un poids total de 3400 kg à une vitesse moins raisonnable de 70 km/h. On obtient alors une énergie de 642000 joules, 56 fois plus que notre cycliste sportif et près de 300 fois plus que le cycliste lambda.

Par ces différents exemples, je souhaite montrer la disproportion totale entre le danger provenant d'une automobile et celui causé par un vélo. Non seulement le cycliste possède-t-il un champ de vision accru et une liberté de manœuvre beaucoup plus grande pour éviter un accident, mais même en cas de collision, les dommages qu'une automobile peut causer sont sans commune mesure avec ceux dus à un cycliste.

Du point de vue de la dangerosité, un automobiliste qui excède la limite de vitesse est potentiellement bien plus dangereux qu'un cycliste qui passe à 15 km/h sur un arrêt obligatoire désert. Selon une étude australienne citée par la SAAQ, le risque d'accident est doublé pour chaque augmentation de 5 km/h de la vitesse en zone urbaine. Rouler à 60 km/h dans une zone de 50 est donc techniquement 4 fois plus dangereux. Des évènements tragiques viennent périodiquement nous rappeler que, contrairement à la croyance populaire, rouler à 10 km/h au-dessus de la limite permise est dangereux. En septembre 2013, un autobus a frappé un train dans la région d'Ottawa. Le rapport du BST[6] sur cet incident, qui s'est soldé par six morts et huit blessés graves, souligne que :

Le premier serrage des freins de l'autobus a eu lieu quand ce dernier roulait à 67,6 km/h (42 mi/h), excédant la vitesse limite affichée de 60 km/h. (...) Selon les calculs du BST, si l'autobus avait roulé à la vitesse limite affichée (60 km/h), tous les autres facteurs demeurant par ailleurs identiques, la distance d'arrêt pour l'autobus aurait été de 29,5 m (96,8 pieds), soit 6,1 m (20 pieds) avant le point de collision.

Quelle différence font 7.6 km/h au-dessus de la limite? Dans ce cas-ci, six vies en plus... Pensez-y avant d'accuser les cyclistes de tous les maux tout en minimisant les incartades des automobilistes...

Il est bien évident qu'il est possible pour un cycliste de blesser quelqu'un. On peut aussi penser à un cycliste causant indirectement un accident (tout comme un piéton), mais il faut dans ce cas voir l'autre côté de la médaille : beaucoup de cyclistes roulant sur les trottoirs (ce qui peut être dangereux, dépendant de la vitesse et du degré d'attention du cycliste, et dans tous les cas illégal) le font parce que la rue est trop dangereuse. Dans tous les cas, le risque de blessures causé par une collision avec un cycliste est bien plus faible qu'en cas de collision avec une automobile.

En d'autres termes, et pour conclure cette section, un marteau peut causer de graves blessures, voire la mort. Une mitrailleuse lourde peut également causer de graves blessures, voire la mort. On n'a pas pour autant décidé que les lois applicables à la possession et à l'utilisation de mitrailleuses lourdes devaient aussi s'appliquer à la possession d'outils de quincaillerie...

Quelques statistiques pertinentes concernant les accidents

C'est bien beau toutes ces analyses, mais qu'en est-il en pratique? Quelles tendances peut-on observer dans les accidents entre cyclistes et automobilistes? Si les cyclistes sont si indisciplinés que certains le disent, alors ils devraient être largement responsables des accidents. Las, les statistiques révèlent un autre portrait de la situation. Ce ne sont pas tous les services de police qui publient ou commentent les chiffres concernant la responsabilité dans les accidents, mais pour ceux qui le font, le constat est simple : il n'y a pas d'écart marqué entre le pourcentage d'accidents causés par une erreur du cycliste et ceux causés par une erreur de l'automobiliste. Par exemple, à Montréal, le SPVM indique que[7] :

Depuis 2006, on épluche les rapports pour déterminer les responsabilités des cyclistes et des automobilistes et au final c’est souvent 50-50

En 2014, selon ce même article, les automobilistes ont été responsables de 57% des accidents vélo/auto, sans compter les 164 cas d'emportiérage rapportés en 2014, qui sont tous, sauf rare exception[8], la responsabilité de l'automobiliste... La ville de Gatineau a également procédé à ce genre d'exercice dans le passé[9], pour conclure que :

(Les statistiques n'ont) pas révélé de tendance sur les fautifs, ni de problématique criante à un angle ou un endroit précis sur les collisions où un cycliste est impliqué. «Il n'y avait pas un problème qui ressortait plus qu'un autre.» (le porte-parole du Service de police de la Ville de Gatineau, Jean-Paul Le May)

On est donc très loin d'un problème unilatéral, où un groupe (les méchants cyclistes, aux dires de certains) se comporterait en cow-boys indisciplinés pendant qu'un autre groupe (les vertueux automobilistes, toujours selon ces mêmes personnes) subirait tant bien que mal les assauts répétés du premier...

Remarquez, on peut faire dire ce qu'on veut aux chiffres. Tenez, par exemple, avec ces mêmes statistiques (un taux égal de responsabilité entre automobilistes et cyclistes), TVA et le Journal de Montréal ont réussi à nous pondre cet article, qui est définitivement un bel exemple de manipulation d'information. À partir des statistiques vues plus haut et de la citation suivante (provenant d'un responsable de Vélo-Québec) :

La responsabilité des accidents est également répartie entre les cyclistes et les automobilistes, mais ce sont presque toujours les cyclistes qui sont blessés

La journaliste est parvenue à titrer son article Des dangers publics (en parlant des cyclistes, évidemment), et à commencer l'article par :

Plusieurs cyclistes prennent des risques, sur la route, mettant, parfois, leur vie en danger. La moitié du temps, ces comportements sont la cause des accidents.

Et les automobilistes qui constituent l'autre "moitié du temps", ça va? Pas de désignation de "dangers publics" pour eux? Vous n'y voyez pas un léger biais? Visiblement pas...

Réponse préventive à une critique potentielle

J'entends d'ici certaines personnes m'accuser d'avoir choisi mes spots en bon français et de m'attarder volontairement aux quelques endroits de la ville où les automobilistes respectent moins le CSR, biaisant ainsi mon analyse[10]. J'ai d'ailleurs reçu quelques messages concernant la vidéo que j'ai produite à propos de l'arrêt obligatoire du Chemin Ste-Foy complètement outrepassé par les automobilistes, qui soutiennent en substance (je vous épargne les insultes) que j'ai fait exprès de choisir le pire endroit de la ville pour tourner ma vidéo.

À ceux là, je voudrais répondre deux choses. Premièrement, oui, le but de cette vidéo était justement de montrer ce qui arrive lorsqu'une consigne absurde est donnée à un usager de la route, qu'il soit automobiliste ou cycliste. Mais surtout, j'ai réalisé une seconde vidéo, à un autre croisement avec arrêt obligatoire. La vidéo est volontairement très floue, afin d'éviter toute embrouille concernant le droit à l'image (sans compter le fait qu'identifier les gens n'est absolument pas l'objectif de mes vidéos et photos), mais bien assez claire pour identifier si les conducteurs font leur arrêt ou non. Je rappelle que l'article 368 du CSR précise bien qu'il est obligatoire de s'immobiliser derrière la ligne d'arrêt[11] : pas de ralentir à 10 km/h, pas 5 km/h, pas même 1 km/h, mais bien 0 km/h. Voyons donc cette vidéo, que j'ai annotée pour indiquer si chaque automobiliste avait fait son arrêt conformément au CSR :

Au final, dans cette courte vidéo, on dénombre 40 conducteurs n'ayant pas respecté l'arrêt obligatoire, versus 3 l'ayant respecté (et encore, j'ai été généreux, dans les deux derniers cas, l'automobile ne s'immobilise pas clairement). Dans cette échantillonnage, 93% des automobilistes sont donc délinquants.

À ce stade, ces mêmes détracteurs pourront me dire : bon, il a choisi son emplacement encore, ça devient fatiguant.... Je l'admets, j'ai choisi ce croisement en particulier, car je le trouvais plus intéressant que tous les autres de la ville. Pourquoi? Eh bien, si vous avez écouté jusqu'au bout, vous pouvez entendre quelqu'un me saluer et me demander ce que je fais là. C'est un policier[12]. Pourquoi me demande-t-il ça? Tout simplement parce que je suis en train d’ostentatoirement filmer l'entrée du poste de police principal de la ville et que mes motivations derrière cette activité l'intéressent donc considérablement[13]. En effet, cette vidéo a été prise devant le poste de police de la ville de Québec (croisement de la Rue de la Maréchaussée et Cardinal-Roy), à un endroit communément appelé le stop le mieux fait en ville. Donc oui, cette vidéo est biaisée, puisqu'elle sous-estime grandement la délinquance des automobilistes. Si 93% des automobilistes sont en infraction en plein devant un poste de police, alors que pensez-vous qu'il en est dans le reste de la ville?

La méconnaissance du Code de la route

La méconnaissance du CSR est également une source de problèmes. On voit régulièrement des gens persuadés d'avoir la priorité sur les cyclistes venant en sens inverse lors d'un virage à gauche ou penser que les cyclistes ont l'obligation de sortir de la route pour laisser passer une voiture voulant les dépasser, par exemple. Un cas édifiant nous est donné dans une ligne ouverte de la région de Québec[14], dont je donne la transcription ici:

L'animateur : - Radio X allô!
L'appelant : - Bonjour!
- Défoulez-vous bonsoir!
- Moi ce que j'ai constaté c'est que le plus dangereux en tout cas comme manœuvre cycliste, c'est les cyclistes qui roulent à droite, ça va de soi, mais sauf que lorsque toi tu veux tourner à droite sur un feu de circulation et que lui te passe dans le côté de l'aile droite, c'est très dangereux!
- Parce que lui y'est mobile pi sur ton angle mort c'est pas nécessairement évident effectivement
- Ben c'est parce que toi tu ralentis, y te rattrape! Tu viens pour tourner, y passe! Tu peux carrément le faucher en faisant ça.
- Alors pourquoi tu nous en parles ce matin, c'est parce que t'as pas vu ça seulement une fois là.
- Ben non c'est ça moi ça m'est arrivé facilement je dirais au moins deux fois, mais là à ce moment là c'est qu'il faut que tu gardes un œil sur ton miroir de droite pour être certain que si y'arrive avant toi ou si y'arrive en même temps que toi y faut que tu freines parce que sinon tu vas littéralement le ramasser!
- Merci! Bonne journée! (raccroche) Sais-tu c'est drôle c'est le même genre de problème, faut le dire là, c'est le même genre de problème qu'on vit avec des piétons. Les piétons aussi y'en a qui pense que tout leur est permis là! Des fois faut que tu conduises aussi pour les piétons en plus des cyclistes et des autres automobilistes...

J'aimerais m'immiscer dans cette discussion, afin d'ajouter ce qui suit :

Un zoïle : - Cher automobiliste contribuable payeur de taxes et à n'en point douter bon père de famille, je suis tout à fait d'accord avec toi lorsque tu dis que cette situation est dangereuse. Nos opinions divergent par la suite parce que, bien que tu ne le réalises pas, cette situation est dangereuse à cause de toi. L'article 349 du CSR le précise bien : Le conducteur d'un véhicule routier qui effectue un virage à une intersection doit céder le passage aux piétons et aux cyclistes qui traversent la chaussée qu'il s'apprête à emprunter.
Je sais, ça fait beaucoup de mots à retenir, mais sois rassuré, le SPVM a pensé à toi et a réalisé une illustration de cette règle, sans ces mots complexes qui font le bonheur des avocats et autres intellectuels déconnectés du vrai monde : virage_droite_spvm.jpg
Je t'invite donc à prendre connaissance de cette image et à comprendre que tous ces cyclistes que tu qualifiais de dangereux ne l'étaient pas en fait, de la même manière qu'un automobiliste qui passe au feu vert n'est pas dangereux sous prétexte qu'il pourrait y avoir un autre véhicule brulant la rouge. Avant de s'insurger devant la délinquance cycliste, une première chose serait peut-être de connaitre la loi à laquelle ils contreviennent selon toi, tu ne crois pas?

Et encore, je suis gentil et j'évite de relever les propos de l'animateur qui, non content d’acquiescer à l'indignation de notre ami, en rajoute : sacrebleu, maintenant les automobilistes doivent parfois faire attention aux piétons. Mais dans quel monde dégénéré vivons-nous, je vous le demande?

Conclusion

Ce billet démontre que les automobilistes commettent eux aussi, au sens strict, un (très) grand nombre d'infractions au Code de la sécurité routière. Si la plupart de ces infractions ne constituent pas des comportements dangereux, elles restent des actes illégaux. Tout cela relativise les infractions commises par les cyclistes. Bien évidemment, les actes illégaux d'une personne (ou d'une catégorie de personnes) ne cautionnent pas ceux des autres, mais remettent en question l'intérêt d'une application stricte et rigoureuse de la loi. Soyons clair : je me fiche complètement qu'un automobiliste roule à 71 km/h dans une zone de 70, qu'il passe sur un arrêt à 2 km/h ou qu'il morde de 2 pouces dans la ligne jaune lors d'un virage à gauche. Je n'en ai rien à cirer qu'il se gare à 4.98 mètres d'une borne fontaine et je ne ferai pas un scandale parce qu'un conducteur n'a pas mis son clignotant en sortant d'une entrée privée sur un chemin désert. En fait, j'aimerais ne jamais avoir eu à écrire cette page : elle donne l'impression que je suis tatillon à un degré stratosphérique et que je monte sur mes grands chevaux dès que je perçois la plus minime des infractions, ce qui n'est absolument pas le cas. Mais si vous trouvez que je suis pointilleux et que ma démarche est ridicule, alors pourriez-vous arrêter de faire de même avec les cyclistes : dans cette vidéo, des cyclistes ne roulent certes pas en file indienne comme le requiert le CSR, mais sont entièrement sur l'accotement et ne gênent absolument personne ni ne génèrent de danger supplémentaire. Une chose est sure : s'attaquer au comportement des cyclistes de cette vidéo est au moins aussi pointilleux et dénué de sens que de qualifier de délinquant un automobiliste passant à 1 km/h sur un arrêt obligatoire...

Par ailleurs, l'observation des statistiques d'accidents (lorsqu'elles sont disponibles, j'aimerais bien pouvoir obtenir celles du SPVQ d'ailleurs) met en relief le partage quasi égal de la responsabilité dans les accidents vélos/autos. Quoiqu'en dise votre beau-frère qui ne peut supporter de voir des vélos en dehors des pistes cyclables payées avec ses taxes[15], il n'y a (statistiquement parlant du moins) pas de groupe responsable de plus d'accidents que les autres...

Si on s'intéresse plutôt au danger relatif qu'entraine chaque infraction, on constate que, mécaniquement, un cycliste est nettement moins dangereux en général. Ce n'est pas une question d'interprétation ou de propos "d'enverdeurs se croyant meilleurs que tout le monde", c'est de la physique. De manière générale, rouler à 60 km/h dans une zone de 50 accroit beaucoup plus le niveau de danger qu'un cycliste passant sur un arrêt obligatoire à 15 km/h. Le comportement de certains cyclistes est clairement inadéquat (j'y reviendrai dans un prochain billet), et ceux-là devraient être punis, mais dans tous les cas, l'élément dangereux sur la route, celui qui fait plus de 400 morts et 2000 blessés graves chaque année, c'est l'automobile.

Au final, et je rejoins là-dessus la plupart des détracteurs des cyclistes, le problème en est un d'éducation et de responsabilisation. Tant que les automobilistes et les cyclistes pourront ignorer (au sens propre) de larges pans du CSR sans conséquences particulières, il y aura des problèmes. Tant que les vélos seront perçus comme des véhicules de clowns qui ne sauraient être placés au même niveau que l'automobile, on verra des cyclistes décider (incorrectement, à mon sens, notons-le bien) que tant qu'à être pris pour un épais, autant se conduire comme tel...

NdA : Ce billet recevant un volume particulièrement élevé de commentaires pourriel voulant vous vendre des consoles de jeux ou des pilules pour faire grandir certaines parties de votre corps (non, pas vos coudes), j'ai fermé les commentaires. N'hésitez pas toutefois à me contacter via l'adresse fournie à la section Contact si vous avez une réaction à partager, il me fera plaisir de la poster ici!

Notes

[1] Source : Fin du stationnement à cinq mètres d’une intersection dans Rosemont, Journal Métro, 23 septembre 2015.

[2] Source : Rosemont: des citoyens contre le cinq mètres aux intersections, Journal Métro, 7 octobre 2015

[3] Source : La ceinture les aurait sauvés, Journal de Québec, consulté le 11 janvier 2016.

[4] Source : Bilan routier 2013, SAAQ, Tableau 30

[5] Source : Ibid.

[6] Source : Enquête ferroviaire R13T0192

[7] Source : Journal Métro, page consultée le 23 juillet 2015.

[8] Par exemple, un cycliste roulant la nuit sans feux et qui ne pouvait raisonnablement être vu par l'automobiliste

[9] Source : La Revue, page consultée le 23 juillet 2015

[10] Alors que, comme chacun le sait, les cyclistes sont délinquants et irresponsables partout, évidemment.

[11] Contrairement à ce que certaines personnes croient, il n'y a cependant aucune précision sur la durée de cette arrêt. Aucune obligation de rester immobile pendant 3 secondes donc, en autant que la route devant soit libre, bien évidemment.

[12] Au demeurant fort sympathique, je me dois de le mentionner.

[13] J'admets que ce n'est pas mon meilleur coup, celui-là. Cependant, après avoir longuement vérifié, je n'ai pas réussi à trouver d'article dans le Code Criminel interdisant de filmer l'entrée d'une station de police. Je peux cependant comprendre la réaction du policier, qui est par ailleurs resté très civil dans la conversation qui s'en est suivie.

[14] http://quebec.radiox.com/emission/le_show_du_matin/article/cohabitation_autosvelos_pas_facile_reactions (à partir de 17:30)

[15] Même si cette position n'a aucun fondement factuel

Commentaires

1. Le mardi, août 4 2015, 20:22 par Alexis

Bonjour!
Je suis un nouveau fan de votre blog/site internet!
C'est très intéressant et très bien fait! Il me fournira de nouvelles armes face à quelques automobilistes intransigeants.
J'ai longtemps cherché ces données indiquant la responsabilité lors d'incidents cyclistes/automobilistes. Je suis étonné du nombre (50%), j'avais imaginé que ce serait plus autours des 80% (voitures) - 20% (vélos). Considérant le nombre plus élevé de voitures par rapport au nombre de cyclistes, on en déduit que les cyclistes sont plus à risque de causer des accidents (1 cycliste sur 100 par rapport à 1 automobiliste sur 1000, par exemple (chiffres fictifs))??
Qu'en pensez-vous?

2. Le mardi, août 4 2015, 23:17 par Le zoïle à pédales

@Alexis,

Merci pour votre message d'encouragement, ça fait toujours plaisir.

Pour ce qui est de votre question, elle est très pertinente en effet. Quelques considérations :
- La définition "d'accident" est parfois floue. Par exemple, jusqu'en 2012, le SPVM ne tenait pas en compte les "emportiérages" dans les statistiques d'accidents, parce que ce ne sont pas officiellement des accidents automobiles (au sens de la loi sur l'assurance automobile) : http://ruemasson.com/2012/10/04/ces...
Même dans le cas d'accidents "clairs", une énorme partie n'est pas rapportée (parce que l'automobiliste s'en va tout simplement, que les blessures ne semblent pas "suffisantes" au cycliste pour justifier une plainte, etc.). Selon une étude datant de 2010, 74% des accidents vélo/auto ne sont pas rapportés! (source : http://www.fqsc.net/sites/default/f... p.13)

- La définition de "responsabilité" est parfois tout aussi floue. Bien évidemment, certains cas sont évidents (automobiliste qui tourne à gauche et coupe la route d'un cycliste par exemple), mais d'autres le sont beaucoup moins. La responsabilité est déterminée par les agents du SPVM selon les déclarations des victimes et des éventuels témoins, mais tout cela est sujet à des impondérables... Par exemple, si un cycliste passe (illégalement) sur un feu piétonnier et qu'il se fait frapper par un automobiliste qui tourne (illégalement) sur le feu rouge, a qui attribuer la responsabilité? Si un cycliste fait une embardée soudaine pour éviter un nid de poule et qu'il est frappé, à qui attribuer la responsabilité, surtout s'il est avéré que ce nid de poule était suffisamment important pour causer de sérieux risques de chute au cycliste (et donc d'accident)? Bref, même si je crois que le portrait général est juste, les cas particuliers sont à prendre avec des pincettes.

- Même si la responsabilité du cycliste est engagée, les aménagements déficients peuvent en être la cause. Il m'est personnellement arrivé deux ou trois fois de frôler l'accident (par ma faute) parce que j'étais trop concentré à gérer (par exemple) la fin de la piste cyclable et mon insertion alambiquée dans le trafic et que je n'ai pas vu une automobile stationnée ou opérant un changement de voie. Plusieurs études ont d'ailleurs démontré que l'ajout de pistes cyclables pouvait réduire le nombre de morts de 35% (sans rien changer aux cyclistes par ailleurs) : http://www.mcscs.jus.gov.on.ca/stel...

- Finalement, pour terminer sur la question de la responsabilité, je pense qu'il est crucial de marteler que les responsabilités respectives de l'automobiliste et du cycliste n'impliquent pas du tout la même chose. Un cycliste responsable d'un accident a fort peu de chances de causer un dommage (corporel ou matériel) sérieux à l'automobiliste; par contre, il est très probable qu'il en subisse lui-même les conséquences. À l'inverse, un automobiliste responsable d'une collision avec un cycliste ne subit généralement aucun dommage, au contraire du cycliste.
Bref, un cycliste irresponsable met sa vie en danger; c'est clairement stupide, mais à la limite, ça ne touche, sauf exception, pas beaucoup d'autres personnes que lui. À l'opposé, l'automobiliste irresponsable met la vie du cycliste en danger.
Je ne dis pas qu'il n'est pas grave qu'un cycliste outrepasse les règlements de la route "parce que ça ne concerne que lui", mais clairement, la responsabilité d'un automobiliste est sans commune mesure. C'est un peu comme dire que les gens suicidaires sont responsables de plus de morts que les tueurs en série -- et non, je ne compare pas les cyclistes à des suicidaires et les automobilistes à des tueurs en série. Statistiquement, ce n'est pas faux (un mort est un mort, que ce soit un suicide ou un meurtre), mais on s'entend que chacun de ces actes n'implique pas du tout la même chose...

Pour ce qui est des conclusions sur le "risque" posé par les cyclistes, il faut faire attention à l'interprétation des statistiques. Les chiffres donnés indiquent bien un partage de la responsabilité 50/50 (modulo toutes les réserves émises plus haut), mais uniquement pour les accidents auto/vélo. Les automobilistes font bien sûr d'autres accidents (auto/auto), alors que les accidents vélo/vélo sont quant à eux très peu dommageables.
Par exemple, le bilan 2013 de la SAAQ indique un total de 160 000 accidents impliquant une automobile, un taxi ou un camion, versus 2000 accidents impliquant un cycliste.
Sachant qu'il y avait 5 242 000 détenteurs de permis de conduire en 2013, et, selon Vélo-Québec, 3 100 000 de cyclistes adultes, on en arrive à un "taux d'accident" de 3.1% pour les automobilistes versus 0.07% pour les cyclistes...
Si on ramène plutôt au prorata du nombre de kilomètres parcourus (les automobiles parcourant beaucoup plus de distance que les cyclistes), avec les chiffres donnés dans l'article http://www.unzoileavelo.ca/index.ph... alors on obtient 2.05 accidents/million de km pour les automobilistes versus 1.03 accidents/million de km pour les cyclistes.

Tout ça pour dire qu'il faut être particulièrement prudent avec ce genre de statistiques, car elles peuvent vous dire à la fois blanc et noir. Je les ai incluses dans cet article surtout pour montrer que, contrairement à ce que certains veulent bien croire, les cyclistes ne sont pas plus "délinquants" ou "dangereux" que les automobilistes...

N'hésitez pas si vous avez d'autres questions!

3. Le mardi, juin 7 2016, 03:46 par Septentrional

Qu'en est-il de la fabulation du dépassement par la droite d'un véhicule moteur par un cycliste ainsi que du remonte-file ou et de la priorité cycliste au virage qui réfèrent tous à la même chose, mais de différente façon. La section sur l'article 349 l'illustre bien en partie. Cependant, je conteste l’interprétation par plusieurs automobilistes du fait qu'un vélo circulant à l'« extrême droite» remonte une file d'automobilistes arrêtée à un feu rouge en aval, file de laquelle le vélo ne fait pas partie. C'est à ce moment que des automobilistes voyant le vélo, plus petit et confiné à un espace souvent inoccupé sinon mortel pour lui bien souvent, s'imaginent que le cycliste effectue un dépassement entre véhicules. Ils se prennent d'envie pour cette étonnante agilité qui ne requiert que peu d'habileté pour le cycliste moyen sinon que de savoir monter à vélo.
Pour ce qui est de la priorité au virage où encore c'est la même situation prise sous un autre angle, plusieurs acteurs du transport recommandent de contourner le véhicule par la gauche pour laisser le champ libre à l’automobiliste. Non seulement je ne vois jamais une occasion de la faire puisque les véhicules sont trop près l'un de l'autre à l'arrêt, mais je n'ai nulle confiance dans le fait de passer inopinément devant une telle énergie déployée qui n'obéit qu’à une simple pédale.
Certains automobilistes détestent tellement la situation évoquée par l'article 349 qu'ils tournent les roues de leur véhicule de manière à serrer le coin pour empêcher le vélo de circuler à leur droite.
Et qu'on ne me parle pas d'attendre toujours pour laisser passer le premier tourne à droite. Non seulement est-ce étranger à la logique du CSR, mais en tel cas les automobilistes qui se suivent de trop près, qui ont l'accélération nécessaire à virtuellement tuer, s'engouffrent dans le virage ne laissant plus aucune opportunité de continuer tout droit bien souvent.
Sinon, ceux qui s'imaginent « rater leur lumière » parce que l'automobiliste ne peut attendre sans passer éventuellement un feu contrairement aux piétons qui doivent souvent attendre que le blitz finisse.

4. Le jeudi, avril 13 2017, 06:30 par Chaplin

À quelle endroit devons nous calculer l'endroit de l'intersection? Quelle est la définition exacte?

Si je veux respecter le dégagement prévu à la loi afin de favoriser la visibilité, par exemple lors d'un stationnement ou l'intersection est à l’arrière de ma voiture, donc je ne peux me fier au panneau d'arrêt, la ligne d'arrêt ou le poteau de lumière...

Il peut s'agir de la fin du trottoir ou débute l'autre voie comme il peut aussi s'agir du milieu du demi-cercle du coin de la rue ou d'un dégagement imaginaire pour piéton malgré l'absence de passage pour piéton d'identifié sur le sol ou par un panneau...

Ou est la marge de manœuvre et la définition exacte? Y a t'il de la jurisprudence à cet égard?

Merci!

5. Le mardi, avril 18 2017, 23:37 par Le zoïle à pédales

@Chaplin

L'article 386 du Code de la Sécurité Routière définit une dizaine d'éléments près ou devant lesquels il est interdit d'immobiliser un véhicule. Si on parle par exemple de l'arrière de la voiture, ce sera généralement l'alinéa 4 de l'article 386 qui s'appliquera :
"nul ne peut immobiliser un véhicule routier aux endroits suivants: [...] 4. dans une intersection, sur un passage pour piétons clairement identifié et sur un passage à niveau ni à moins de 5 mètres de ceux-ci;"

Le concept d'intersection n'est pas spécifiquement définie dans le CSR, mais définir celui-ci comme le quadrilatère qui faisant partie des deux routes/rues à la fois me semble assez simple, direct et logique. Il faut donc laisser 5 mètres avant "l'asphalte" de la rue croisée.

En ce qui concerne les piétons, le même article du CSR précise qu'il est interdit de s'immobiliser devant un rabaissement du trottoir, mais il n'y a pas de dégagement supplémentaire à offrir (hormis, bien sûr, en cas de passage piétonnier dûment identifié).

Je n'ai pas connaissance de la jurisprudence en ce domaine, mais je doute qu'elle soit très pertinente, tellement ce genre d'infraction est courant en ville. Dans tous les cas, il n'est nullement question ici de se battre pour des queues de cerises et de s'indigner devant un automobiliste dont le bout du pare-chocs se retrouve à 4.87 mètres d'un passage piétonnier, mais de constater que 1) le non-respect de cette règle (tels les exemples que je donne dans cet article) est flagrant et que 2) dans les cas extrêmes, cela augmente bel et bien les risques d'accidents et ce pour tout le monde, cyclistes comme automobilistes.